Publié le 30 septembre 2020

[Tribune] Jauge de 1000 spectateurs dans les enceintes sportives : une mesure d’affichage destructrice pour le sport français

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Jauge de 1000 spectateurs dans les enceintes sportives : une mesure d’affichage destructrice pour le sport français

Le couperet est tombé ce mercredi 23 septembre. Suite aux annonces du ministre de la Santé, les rassemblements de plus de 1000 personnes sont interdits dans la majorité des grandes villes. Cette mesure, qui inclut de facto les événements sportifs, est un nouveau coup de massue pour le sport, déjà très affecté par la crise et par la jauge peu pertinente des 5000 spectateurs, applicable à toutes les enceintes sportives sans tenir compte de leur capacité d’accueil.

Alors que le tournoi de Roland-Garros s’apprête à débuter, ce n’est pas seulement l’événement sportif qui est touché mais tout l’écosystème qu’il fait vivre. Allier sécurité sanitaire et survie des organisations sportives est tout à fait possible. Mais les initiatives sont à prendre très rapidement afin d’éviter une catastrophe pour le sport français.

Accueillir les Français dans les stades, un pilier pour le modèle économique du sport

Petit rappel salvateur, le sport est un secteur économique essentiel pour notre pays : représentant 2% du PIB, son poids économique se chiffre à 91 milliards d’euros. Du fait de la crise du Covid-19, le secteur est l’un des plus touché depuis la mi-mars.

Dans le contexte actuel, qu’une enceinte ne puisse être remplie complètement est une évidence sanitaire. Dans son complexe parisien de 12 hectares, Roland Garros avait tout mis en oeuvre pour accueillir 11 500 spectateurs avec un protocole strict. Abaisser la jauge à 1000 spectateurs par jour représente... 120m2 par spectateur et moins de 3% du nombre normal attendu sur la quinzaine! La billetterie et les hospitalités représentent 37% des revenus du tournoi qui lui-même représente 80% des revenus de la Fédération Française de Tennis. C’est loin d’être un détail et cela aura des répercussions sur le tennis amateur, financièrement irrigué par le tournoi.

Le constat est le même pour le rugby et le football. 60% des revenus des clubs professionnels de rugby proviennent de la billetterie, hospitalités et recettes jour de match.

Pour le football, selon une étude de Première Ligue, syndicat des clubs de Ligue 1, la perte de chiffre globale pour les clubs serait de 951 millions d’euros avec une jauge de 5000 spectateurs jusqu’au 31 décembre (en incluant les pertes liées au sponsoring, au merchandising...). Imaginez avec un abaissement de la jauge à 1000 spectateurs …

Si le gouvernement s’apprête à compenser ces pertes drastiques par une mesure de soutien à la billetterie à hauteur de 100 millions d’euros, ce qui est bien sûr à saluer, cela reste insuffisant pour préserver le sport français et son modèle économique.

1000 spectateurs, c’est désormais pour de nombreux organisateurs l’annulation pure et simple ou le huis clos garantis.

À l’orée des Jeux Olympiques de Paris 2024 et alors que de grandes ambitions ont été affichées pour faire de la France un pays sportif, il est possible de faire mieux, en préservant l’intégrité sanitaire.

Une solution adaptée : raisonner par territoire et par capacité d’accueil des enceintes

Cette règle de jauges identiques pour tous était plus motivée par les inquiétudes concernant les flux de supporters autour du stade qu’au sein même de l’enceinte. Elle soulève d’autres problèmes et s’avère contreproductive. En effet, on s’est aperçu que seule une partie des tribunes était généralement ouverte lors des rencontres, occasionnant des regroupements de spectateurs. Sans compter sur d’inévitables rassemblements de supporters hors stade, où le respect d’un protocole sanitaire n’est plus contrôlable. Alors que les professionnels de l’événementiel savent réguler les flux.

En ce sens, un amendement du député LREM Sacha Houlié a été adopté à l’unanimité par la commission des Lois de l’Assemblée nationale le 23 septembre pour instaurer des jauges de remplissage proportionnelles à la capacité des stades avec des taux variables selon l’intensité de l’épidémie dans les différentes zones du pays.

Plusieurs pays européens ont d’ailleurs opté pour une jauge en fonction de la capacité du stade. L’Allemagne va réaliser 6 semaines d’expérimentation avec une jauge de remplissage à 20% de la capacité des enceintes et des conditions sanitaires strictes (pas de supporters extérieurs, pas d’alcool et un ratio hebdomadaire d’infection dans les villes d’accueil devant être inférieur à 35 pour 100 000).

Le sport mérite mieux !

 Une jauge en valeur absolue constitue un sérieux danger économique pour le sport français, que l’on aime doter de grandes ambitions dans les discours que l’on ne retrouve que trop peu dans les actes. Réexaminer le bien-fondé de cette mesure en passant à une jauge en valeur relative et proportionnelle s’avère essentiel.

Priorisons la sécurité sanitaire qui passe par des mesures réfléchies et adoptées de manière concertée. Soyons solidaires d’un secteur qui apporte tant au pays et à ses citoyens.

Magali Tézenas du Montcel, Déléguée Générale de SPORSORA

Cette tribune a été publiée sur LesEchos.fr le 29/09/2020.