Publié le 14 avril 2022

[NewsTankSport] Rugby : « On veut générer de nouvelles ressources hors du cadre sportif » (P. Tayeb, Aviron Bayonnais)

« Nous mettons en œuvre toute une économie autour du club, mais hors du cadre sportif, qui va nous permettre de générer de nouvelles ressources. Nous avons ouvert un musée du rugby, une boutique de produits dérivés, une brasserie accessible toute l’année dans le stade, mais le pôle le plus important est le département événementiel (hors sportif) et la location de nos espaces pour des séminaires », déclare Philippe Tayeb, président de l’Aviron Bayonnais (Pro D2) à News Tank le 06/04/2022.

L’Aviron Bayonnais et Olympia Production ont aussi signé un accord sur la coproduction pendant cinq ans, à compter de 2023, d’un Festival de musique de trois jours qui se tiendra au mois de juin au Stade Jean-Dauger (Bayonne, Pyrénées-Atlantiques), le 08/12/2021.

« Notre budget actuel est de 14,5 millions d’euros, c’est très bien pour la Pro D2. Économiquement parlant, ce serait un échec de ne pas monter en Top 14. Un peu plus de 50 % du budget provient des partenariats (7,7 M€). Ensuite, il y a les droits TV (2,7 M€), la billetterie (environ 2 M€, soit 13 % du budget), les subventions (700 000 €), le catering et le merchandising (300 000 €) et les rémunérations périphériques (1,1 M€) », poursuit celui qui est dirigeant du club depuis avril 2018. Contrôlé par un directoire et un conseil de surveillance jusqu’en décembre 2020, le club est depuis dirigé par un conseil d’administration de 10 personnes.

« Nous avons été l’un des premiers clubs de rugby à créer un Fonds de dotation. Il est financé par le mécénat et solidement structuré. Depuis sa création en 2018, ce Fonds a investi plus de 300 000 euros. Nous portons ou accompagnons chaque année une trentaine de projets dans le sport, la santé, l'éducation, l’environnement et la culture », ajoute le président.

Budget et modèle économique, impact de la pandémie de Covid-19, relations partenaires, actions RSE, Stade Jean-Dauger, formation, stratégie de développement, relations avec les autres clubs basques, passage de Pro D2 au Top 14, etc., sur ces multiples sujets, Philippe Tayeb répond aux questions de News Tank.


« Nous sommes la première entreprise “sportive” à mission » (P. Tayeb, Aviron Bayonnais)

Après deux ans de crise sanitaire due au Covid, comment se porte l’Aviron Bayonnais ?

Sur les deux dernières années, nous avons réussi à équilibrer nos comptes »

Notre club va bien. Sur les deux dernières années, nous avons réussi à équilibrer nos comptes. Il faut remercier l’État d’avoir été bienveillant à l’égard de l’ensemble du sport professionnel ainsi que nos partenaires et abonnés qui n’ont pas sollicité de remboursement sur la fin de saison 2019-20. La seule chose qui reste en attente est un complément de compensation pour la première année de la pandémie. Le texte de loi prévoyait de compenser les pertes de recettes de l’année N en se basant sur les résultats de l’année N-1, mais entre les deux, nous sommes montés en Top 14 et notre budget a augmenté de 30 à 40 % par rapport à la Pro D2. Nous sommes donc encore en discussion pour faire valoir nos droits, d’autres clubs sont dans le même cas dans le foot et le basket.

Aviron-Bayonnais - Grenoble au Stade Jean Dauger - ©  Icon Sport

Depuis le début de la saison, avez-vous retrouvé votre public ?

Une moyenne de 10 000 spectateurs et trois matches joués à guichets fermés »

Oui, et nous le remercions très fortement, parce qu’afficher quasiment 6 000 abonnés (en comptant les partenaires), c’est exceptionnel en Pro D2. Nous sommes sur une moyenne de 10 000 spectateurs et avons joué trois fois à guichets fermés. Et cela, malgré des matches le jeudi soir ou le vendredi soir. C’est évidemment un handicap pour le grand public qui doit faire de la route pour venir au stade. Cela nous prive aussi de ceux qui auraient pu profiter d’un week-end sur la Côte basque pour venir voir un match. En revanche, c’est un plus pour les partenaires parce que les matches programmés en semaine s’inscrivent dans la continuité de leur journée de travail.

Comment se répartissent aujourd’hui les recettes du club ?

Un peu plus de 50 % du budget provient des partenariats (7,7 M€). Ensuite, il y a les droits TV (2,7 M€), la billetterie (environ 2 M€, soit 13 % du budget), les subventions (700 000 €), le catering et le merchandising (300 000 €) et les rémunérations périphériques (1,1 M€).

Comment comptez-vous diversifier les recettes ?

 

Faire du Stade Jean-Dauger un haut lieu de vie »

Nous avons signé un partenariat avec Olympia Production (filiale de Vivendi). Nous avons pour ambition de faire du Stade Jean-Dauger un haut lieu de vie avec des festivités musicales et sportives. Pendant 15 jours au mois de juin, nous allons accueillir des nouveaux talents du Pays basque, mais aussi des têtes d’affiche nationales et internationales.

Christophe Sabot (Olympia Production) et Philippe Tayeb (Aviron Bayonnais) - ©  Aviron Bayonnais

Nous mettons en œuvre toute une économie autour du club, mais hors du cadre sportif, qui va nous permettre de générer de nouvelles ressources. Nous avons ouvert un musée du rugby, une boutique de produits dérivés du club, une brasserie accessible toute l’année dans le stade, mais le pôle le plus important est le département événementiel (hors sportif) et la location de nos espaces pour des séminaires : nous parvenons déjà à commercialiser entre 120 et 150 dates par an, sans faire de démarches commerciales, en gérant les appels entrants de nos partenaires.

Vous avez entamé des travaux importants dans le stade. En êtes-vous propriétaires ?

Un bail emphytéotique sur 40 ans »

Depuis l’an dernier, nous avons un bail emphytéotique de 40 ans. Nous avons déjà rénové notre tribune honneur (qui est inscrite au patrimoine des Bâtiments de France), construit une nouvelle tribune Est, mis en place un terrain hybride et installé un système d’éclairage LED. Actuellement, nous construisons une nouvelle tribune sud de 3 200 places (contre 2 500 précédemment) comprenant un restaurant et des espaces dédiés à la formation, de nouveaux vestiaires, un espace médical et une salle de presse. Les travaux seront terminés au dernier trimestre 2022.

Le stade Jean-Dauger - ©  Aviron Bayonnais
Nous construisons un centre de performance de haut niveau, baptisé AB Campus »

Nous construisons par ailleurs un centre de performance de haut niveau, baptisé AB Campus. C’est le centre de formation que l’Aviron bayonnais attend depuis… un certain temps : 4 000 m2 avec salles de classe, halle couverte, salle de musculation, restaurant d’entreprise, salle de repos, amphithéâtre… L’aile dédiée au sport professionnel verra le jour en juillet 2022, celle dédiée au sport amateur et scolaire en décembre 2022. C’est une maîtrise d’ouvrage publique, financée par la mairie (Bayonne), l’agglomération (Communauté d’agglomération du Pays Basque), le département (Pyrénées-Atlantiques) et la région (Nouvelle-Aquitaine). Montant total de l’investissement : 7,7 M€.

La formation, est-ce un choix sportif ou une nécessité économique ?

L’objectif du club, c’est de faire revenir le maximum de joueurs au pays »

Les deux. Nous devons exploiter au maximum notre formation, qui est classée chaque année parmi les trois meilleures formations françaises. Nous avons perdu beaucoup de très bons joueurs qui évoluent désormais partout en Top 14 (Racing 92, UBB, RCT, Castres…). L’objectif du club, c’est de faire revenir le maximum de joueurs au pays. Tout le monde aime le Pays basque, tout le monde aime l’Aviron Bayonnais, il faut juste lui donner les structures d’un grand club.

Seriez-vous prêts, sur le plan économique, à remonter dans l’élite dès 2022 ? (Au 12/04/2022, l’Aviron Bayonnais est 2e de Pro D2, soit en position de disputer les barrage pour l’accession au Top 14)

Un budget de 21 M€ en cas de remontée en Top 14 »

Nous serons prêts ! Quand nous étions en Top 14, en 2020-21, notre masse salariale était de 5,6 millions d’euros. Si l’Aviron Bayonnais remonte, la masse salariale passera à 8 ou 8,5 M€. Quand les travaux du stade seront terminés, nous aurons au total entre 1 600 et 1 800 « « hospitalités ». Sans compter les partenaires et 14 200 places assises. Cela nous permettra d’avoir un budget de 21 M€.

Pottoka, la mascotte du club - ©  D.R.

C’est beaucoup plus que votre budget actuel ?

Notre budget actuel est de 14,5 millions d’euros, c’est très bien pour la Pro D2. Économiquement parlant, ce serait un échec de ne pas monter en Top 14.

Pour être vraiment la locomotive du rugby basque, il faut retourner en Top 14 et y rester, non ?

Si je n’ai pas les leviers pour faire progresser le club, je céderai ma place »

Le plus dur, c’est de monter pour redescendre. Cela crée des traumatismes sportifs, financiers, économiques et culturels. Notre ambition, dans les cinq ou six années à venir, c’est de nous stabiliser en Top 14. Après, il faudra être ambitieux, viser les six ou huit premières places. Je ne suis pas président pour toujours jouer le maintien. Si je n’ai pas les leviers pour faire progresser le club, je céderai ma place. Je n’ai aucun complexe à dire mes ambitions. Le chef d’entreprise qui n’est pas ambitieux ne peut pas faire grandir ses équipes.

Sireli Maqala - Aviron Bayonnais - ©  Icon Sport

En quoi l’instauration du « salary cap » peut vous aider à rivaliser avec les clubs les plus riches ?

En 2024, le « salary cap » sera à 10 M€. Nous, on espère porter notre masse salariale à 9 M€. Nos infrastructures et notre projet vont nous permettre d’attirer des joueurs d’expérience, de garder nos jeunes talents et, j’espère, de faire revenir un maximum de joueurs du territoire.

Est-ce que votre descente, l’an passé, en Pro D2 vous a fait perdre des partenaires ?

Nous avons ouvert un nouvel espace avec 600 hospitalités »

Non, mais on ne va pas se mentir, nous avons bénéficié du sevrage que nos partenaires ont subi pendant un an. Nous avons ouvert un nouvel espace avec 600 hospitalités et nous avons tout commercialisé. Il y avait un énorme manque, une grande frustration de ne pas pouvoir venir au stade. Ici, l’Aviron Bayonnais, c’est une institution, c’est viscéral, passionnel, excessif.

Réunion du AB Business club - ©  D.R.

Pourquoi avez-vous changé l’année dernière de mode de gouvernance ?

Un conseil d’administration pour prendre des décisions plus rapides »

Le directoire, dont j’étais le président bénévole (Philippe Tayeb est associé dans un cabinet d’assurances avec l’ancien international Thomas Castaignède), ne rencontrait le conseil de surveillance que deux ou trois fois par an. Nos projets en cours imposent une réactivité plus importante. Pour prendre des décisions plus rapides, nous avons fait le choix d’avoir un conseil d’administration. Nous sommes 10 : un groupe d’actionnaires, des entreprises locales, des familles historiques du club. C’est un bonheur de travailler avec eux, car tout le monde souhaite avancer et faire grandir le club. Le plus dur dans un club, dont le président n’est pas propriétaire, c’est de composer avec tous les différents organes externes et internes.

En décembre dernier, l’Aviron Bayonnais est devenu une « entreprise à mission ».

Nous sommes d’abord une entreprise de 100 salariés »

Nous sommes la première entreprise « sportive » à mission. Le seul club professionnel. Mais pour moi, nous sommes d’abord une entreprise de 100 salariés. C’est parce que nous sommes une entreprise que nous avons pu lever des fonds. Parce que nous faisons un chiffre d’affaires et que nous générons 30 à 35 M€ de retombées économique dans la ville et sur le territoire, nous avons pu emprunter plus de 14 M€ pour financer l’ensemble des travaux (pelouse hybride, éclairage, tribunes…). Le fait de passer « entreprise à mission » (lire ci-dessous) va nous permettre de continuer à développer notre politique RSE, ainsi que la dynamique globale du club, notamment à l’échelle nationale.

• L’article 176 de la loi du 22/05/2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (loi Pacte), introduit la qualité de société à mission. Il s’agit pour une entreprise d’affirmer publiquement sa raison d'être, ainsi qu’un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux qu’elle se donne pour mission de poursuivre dans le cadre de son activité.

• Ces éléments doivent être inscrits dans les statuts de l’entreprise et déclarés au greffe du tribunal de commerce, selon les modalités prévues par le décret n° 2020-1 du 02/01/2020. La qualité de société à mission sera ainsi mentionnée au répertoire « Sirene », la base de données des entreprises et des établissements.

• Le décret du 02/01/2020 prévoit par ailleurs la vérification par un organisme tiers indépendant (OTI) de l’exécution par la société à mission des objectifs sociaux et environnementaux mentionnés dans ses statuts.

Ministère de l'Économie, des Finances et de la Relance, le 13/07/2021

Guillaume Rouet - Aviron Bayonnais - ©  Icon Sport

Vous étiez déjà très actifs dans le domaine de la RSE ?

Nous avons été l’un des premiers clubs de rugby à créer un Fonds de dotation. Il est financé par le mécénat et solidement structuré (un président, quatre salariés, des stagiaires, des alternants et des bénévoles qui travaillent tous les jours). Depuis sa création en 2018, ce Fonds a investi plus de 300 000 euros. Nous portons ou accompagnons chaque année une trentaine de projets dans le sport, la santé, l'éducation, l’environnement et la culture.

Nous avons signé avec Suez une charte de l’eau pour diminuer notre consommation »

L’an dernier, par exemple, nous avons signé avec Suez une charte de l’eau pour diminuer notre consommation : nos collaborateurs ont suivi des formations dans ce sens, des joueurs ont été désignés ambassadeurs pour mettre en place des actions de sensibilisation. Nous avons aussi participé à la journée nationale de ramassage des déchets, planté des arbres pour compenser l’impact carbone de nos déplacements… Nous avons aussi été aussi l’un des premiers clubs à récupérer du plastique sur les plages pour, avec l’aide de notre équipementier de l’époque, créer un jeu de maillots éco-responsables à partir de plastiques recyclés. Le Covid a ralenti beaucoup d’opérations, mais certaines ont continué, dans l’accompagnement médical en sortie de cancer, par exemple. Depuis le début de l’année, c’est vraiment reparti. Nous contribuons aussi au développement de notre savoir-faire, avec un préparateur physique, sur tout le territoire, cela fait partie de nos engagements : nous devons être la locomotive du Pays basque au niveau rugbystique.

Est-il vrai que vous allez mutualiser la salle de musculation de votre centre d’entraînement avec les joueuses de rugby d’un autre club ?

Le sport féminin est une orientation très importante pour une entreprise à mission »

Nous sommes effectivement en train de nous rapprocher de l’Association Sportive de Bayonne (ASB) qui possède une section féminine, ce qui n’est pas notre cas. Nous avons pour projet de bâtir ensemble une équipe féminine de haut niveau. Pourquoi ? D’une part, parce que nous allons accueillir le samedi 30/04/2022 le match France-Angleterre du Tournoi des 6 Nations féminin. Ensuite et surtout parce que le sport féminin est une orientation très importante pour une entreprise à mission.

Aviron Bayonnais - ©  Aviron Bayonnais

D’un point de vue marketing, le rugby féminin permet de compléter notre offre en direction du grand public et de nos partenaires, de toucher une clientèle jeune et de nouvelles entreprises. C’est une nouvelle économie bien réelle qui est en train de se créer. Ce sera aussi à court terme une exigence de la Ligue Nationale de Rugby. Le Racing 92 a créé sa section féminine cette année, le Stade Toulousain et Montpellier ont déjà la leur. Aujourd’hui, nous nous devons d’avoir des féminines dans l’environnement professionnel du club.

Où en est l’idée de fusionner les clubs de Bayonne et du Biarritz Olympique pour constituer une seule et grande équipe basque ? Le projet avait échoué en 2015 en raison de la colère des supporters.

Une fusion avec le Biarritz Olympique est impossible à envisager »

Tant que je serai président, il n’y aura jamais de fusion. C’est impossible à envisager. Ce serait se faire hara-kiri sur des millions d’investissements. Avec l’engouement du public, on sait qu’on va remplir nos 14 200 places. Le plan d’urbanisme prévoit de construire une passerelle entre le stade et l’une des principales rues commerçantes de Bayonne. Nous allons avoir l’un des plus beaux stades de France au cœur du centre-ville.

Vous êtes optimiste pour l’avenir de l’Aviron Bayonnais ?

Optimiste et ambitieux. Je me nourris à l’ambition dès que je me lève.

 

Source : News Tank Sport