À l’occasion de la sortie de son ouvrage* et à l’approche de l’Euro 2016, Michel Desbordes, professeur et responsable du pôle Sport et Entertainment du Groupe INSEEC, nous apporte son éclairage sur les grandes tendances du marketing du sport, un marché international toujours plus puissant.
Pourquoi le marketing a pris une telle importance dans le sport ?
Le marketing sportif est une discipline récente, qui a commencé à se développer il y a un peu moins de 20 ans. En France, la Coupe du Monde de 1998 a été une étape fondamentale, un véritable élément déclencheur de cette nouvelle tendance. Les entreprises ont alors compris l’intérêt d’investir dans le secteur. Toutefois les résultats de ces investissements étaient presque uniquement liés à la victoire de l’Equipe de France. Par la suite, de nombreux succès sportifs ont fortement incité les entreprises à investir : finale de Coupe du Monde 1999 en rugby, finale des JO 2000 en basket, plusieurs titres de champions du monde en handball, et bien sûr victoire de l’équipe de France de foot à l’Euro 2000.
Au début des années 2000, on pense que la rentabilité ne fonctionne que lorsqu’il y a victoire, or dans le sport on ne gagne pas toujours, il y a des revers, et il y a eu des défaites, des déceptions. La problématique était donc de réfléchir aux manières d’activer des mécanismes pour optimiser l’investissement, quelle que soit le vainqueur. Comment continuer à investir en temps de performances moyennes ou défaites importantes ?
Parallèlement au marketing du sport business, des grands événements et rencontres mondiales, le marketing des produits sportifs a connu une véritable envolée. La pratique du sport s’est considérablement accrue ces 20 dernières années pour de nombreuses raisons : se maintenir en forme, lutter contre le stress, les maladies, mais aussi car le sport est un élément de réponse à la violence, aux problèmes sociaux ou urbains. Un nouveau créneau pour le marketing : concevoir des produits toujours plus performants répondant aux nouvelles pratiques sociales en constante évolution.
Ce marché des produits sportifs représente 280 milliards de dollars, soit un chiffre d’affaires deux fois plus important que le marché de l’événementiel ou des spectacles sportifs.
Travailler dans le marketing sportif, et plus particulièrement dans le marketing du football, comment ça se passe au quotidien ?
Dans le secteur de l’événementiel sportif, le quotidien du « marketeur », c’est de trouver des sponsors et d’assurer le suivi commercial, les relations publiques, les loges, les relations avec VIP. C’est également la gestion des relations avec les médias, notamment avec la télévision, si on veut être performant en sponsoring il faut être visible au niveau médiatique.
Et plus globalement c’est aussi le management du stade, veiller à ce qu’il soit adapté au spectacle que l’on produit. Le stade est un levier de croissance indispensable pour les revenus des clubs, comme le montrent aussi les grands travaux de rénovation, le POPB (nouvellement rebaptisé « AccorHotels Arena »), le Vélodrome, les stades de Nice, Bordeaux ou Lille, et le projet de Grand Stade à Lyon bientôt livré…
La billetterie est la problématique principale : il faut remplir les stades. Des outils comme les CRM et le Yield management (qui gère la variation des prix en fonction du taux de remplissage des stages) permettent de répondre à ces impératifs quotidiens.
Le métier le plus classique en marketing dans le secteur des équipements sportifs, c’est celui de chef de produit. Il centralise et coordonne toutes les fonctions et tous les métiers autour du développement d’un produit, que ce soit un vélo, une paire de chaussures, un sac à dos… En amont, il mobilise des compétences en design, R&D pour concevoir le produit, avant de le commercialiser. La distribution est une phase extrêmement importante et les acteurs, comme Décathlon, incontournables. Un produit est mort-né s’il n’est pas distribué, ou pas distribué via les bons canaux.
Le métier de Sport marketing manager se développe également pour nouer des relations avec les sportifs sous contrat. Enfin, le management de grands comptes, indispensable pour optimiser les relations entre équipementiers et distributeurs, a pris une grande dimension. Globalement ces métiers sont de plus en plus internationaux, la production et la logistique se font principalement en Asie, et même la R&D a tendance à se concentrer désormais dans cette zone, pour répondre notamment à l’explosion du marché et des besoins chinois.
Quelles sont les grandes tendances qui se dégagent dans le marketing sportif et en particulier dans le foot ?
Tant pour le secteur du sport spectacle que pour celui des produits sportifs, deux tendances de fond :
- L’internationalisation des marchés : toutes les marques sont mondiales que ce soit pour les clubs de football ou les articles de sport. Adidas, Nike raisonnent toujours au niveau européen, et surtout mondial.
- La présence sur les réseaux sociaux : encore plus forte que dans les autres secteurs car le sport, que ce soit dans la pratique ou dans le spectacle, le suivi d’événements est très passionnel. Un lien fort est établi avec le produit ou l’activité, les marques ont donc besoin du consommateur pour assurer leur promotion.
Par exemple, lors de la Coupe du Monde 2014, Nike a mis en place une stratégie publicitaire pensée uniquement pour les réseaux sociaux, avec deux campagnes emblématiques, « Winner stays » et « the last game », des spots de plus de 5 minutes qui ont comptabilisé plus de 100 millions de vues en quelques semaines. Un record mondial.
La notoriété des clubs et les joueurs passe désormais par une présence sur Twitter et Facebook: Ronaldo a par exemple plus de 100 millions de fans sur Facebook, Le Barça et Le Real Madrid idem. Ce n’est pas juste un passage obligé, c’est fondamental.
* Le marketing du football, Editions Economica, sortie 12 novembre 2015.