Pendant deux semaines, la trêve s’installe, les athlètes arrivent, et place aux Jeux. Et après ? Les lumières s’éteignent, les athlètes repartent, la ferveur disparait.
Depuis déjà quelques années, on remarque que de moins en moins de villes sont candidates à l’organisation des Jeux olympiques. Pourquoi renoncer ainsi à l’attraction médiatique et politique que représente le plus grand évènement sportif de la planète ? Peut-être l’impression qu’après ces quinze jours d’émerveillement, plus rien ne reste, tout est désert et vide. Les stades mythiques, magiques et flamboyants laissent la place à des enceintes désertes, vides et abandonnées. Le traumatisme d’Athènes, véritable « éléphant blanc » depuis les Jeux de 2004, a énormément marqué les esprits. Dans ce pays marqué par la crise, 90% des installations construites pour la réalisation des Jeux sont, aujourd’hui encore, à l’abandon. Cela est-il encore possible, alors que l’argent public devient rare, et qu’il doit être dépensé avec parcimonie et proportion ?
Le CIO a décidé de mettre en place une nouvelle politique pour préserver l’attrait et l’attraction des jeux, et répondre aux critiques sur l’héritage. Son nouveau président, Thomas Bach, champion olympique d’escrime et avocat, a eu l’intelligence de parer cette attaque et de riposter par des solutions judicieuses : offrir un « après Jeux olympiques ». Pour Paris, par exemple, il est prévu que les 17 000 lits du Village olympique et paralympique et les 4 000 lits du Village des médias s’inscrivent dans la dynamique d’héritage. Au total, pas moins de 5 000 logements nouveaux seront redéployés, sans doute pour des étudiants et des personnes âgées. Des promesses … mais aussi des engagements.
C’est ainsi que le CIO, en 2014, a mis en place l’Agenda olympique 2020. C’est une charte recensant les engagements à tenir pour les villes candidates. La question de l’héritage est fermement et clairement abordée. Dès 2020, Tokyo va inaugurer une nouvelle forme de rapport de performance sur l’héritage. Le CIO a introduit un cadre normatif conçu en partenariat avec les meilleurs experts dans le domaine de l’héritage, offrant une structure qui permet de le mesurer. Il remplacera l’étude sur l’impact des Jeux, devenue obsolète. En plus d’un meilleur retour sur l’héritage en tant que tel, une méthodologie commune sera appliquée pour analyser et mesurer les résultats.
Paris, quant à elle, devra tenir compte de nouveaux enjeux qui se dessinent. Parmi eux, les nouveaux enjeux climatiques et de réorganisation urbaine. Les grandes entreprises partenaires réfléchissent déjà à des solutions permettant d’allier des constructions efficaces et respectueuses de l’environnement, comme des bâtiments adaptables et réversibles. Les constructeurs devront penser aux aléas climatiques, et un engagement a été pris pour que 10% des sites soient équipés de fontaines à eau potable et 100% de l’arrosage issu d’eau de récupération. Enfin, un effort devra être fait sur les questions d’accessibilité, principalement pour les personnes à mobilité réduite.
C’est dans le Contrat de Ville hôte qu’on trouve la mise en application de ces nouveaux engagements. Dès le 21 décembre 2016 était distribuée à toutes les villes candidates à l’organisation des Jeux de 2024 une note explicative au contrat de Ville hôte. Le CIO y pose les bases de ce qui sera sa nouvelle ligne de conduite quant à l’attribution et l’organisation des Jeux olympiques : « garantir un développement durable, le respect des valeurs universelles et la création d’un héritage positif pour la Ville et le Pays hôtes. »
Dans l’article 15 du Contrat de Ville hôte les trois parties signataires (la Ville hôte, le CNO hôte et le COJO) s’engagent à tenir compte du développement durable dans la mise en œuvre de toutes les activités prévues aux termes du contrat. Elles devront notamment définir, mettre en œuvre et communiquer un programme de durabilité complet et intégré et un programme d’héritage. Cet article 15 renvoie aux Conditions opérationnelles du Contrat de Ville hôte, dès l’introduction il est énoncé : « Le CIO sélectionne la Ville hôte sur la base d’un certain nombre de critères, notamment sa capacité à utiliser les jeux comme un héritage, qui apporte à ses citoyens des changements pour les générations futures ». Dans le chapitre 5.6 « durabilité et héritage olympique », on peut lire « pour tenir intégralement la promesse d’héritage du projet des jeux, la durabilité doit être fermement ancrée dans la philosophie et la structure organisationnelle de toutes les instances responsables de la livraison des jeux ». Plus loin encore, il est indiqué que les parties signataires du Contrat de Ville hôte sont tenues de « mettre en application le programme pour l’héritage et faire en sorte que les engagements de la candidature soient respectés ».
Dès lors, deux questions se posent : Qui portera l’héritage ? Quelle sera la sanction si les concepts de durabilité et d’héritage n’étaient pas respectés ?
Qui portera l’héritage ? Pour l’heure il semble qu’aucun organisme spécifique n’ait été créé. On peut alors envisager trois hypothèses : soit le CIO fera le choix de garder la main sur la question ; soit un organe spécifique sera créé pour s’occuper exclusivement de l’héritage et de la durabilité ; soit c’est le COJO lui-même qui s’en occupera. Une structure dédiée à l’héritage avait été évoquée dans le dossier de candidature comme un troisième organe de gouvernance. Il n’est cependant pas certain aujourd’hui que cette institution soit aujourd’hui mise en place.
Quelle force obligatoire ? Demain, si une décision ne respectait pas les principes de durabilité et d’héritage, ou si le Gouvernement, dans le cadre d’un décret d’application de la loi olympique, ne tenait pas compte de ces principes, quelles sanctions pourraient s’en suivre, et ce notamment si un contentieux avait lieu ?
Sophie DION