Publié le 31 octobre 2019

[News Tank Sport] Supporters : « Il faut qu’on veille à ce que personne ne soit humilié ou blessé »

Roxana Maracineanu, Ministre des Sports, et Nathalie Boy de la Tour, Présidente de la Ligue de Football Professionnel, s'expriment sur le supportérisme en France : discriminations, déplacement des supporters et tribune debout.

« Nous avons voulu que l’Instance nationale du supportérisme aborde les devoirs, mais aussi les droits du supporter. Nous avons donc eu un premier volet sur l'éthique et la participation des supporters, des fédérations, des joueurs, des arbitres à plusieurs causes nationales de lutte contre les discriminations dans notre société comme l’homophobie, mais pas seulement, il y a aussi le sexisme, le racisme. Dans un deuxième temps, nous avons parlé du déplacement des supporters, qui était un point très attendu par l’Instance nationale du supportérisme et les associations présentes. J’avais le plaisir d’avoir à mes côtés Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l’Intérieur, grand spécialiste de ces questions de déplacement des supporters, qui a pu faire de belles annonces.

(En ce qui concerne Paris SG - OM, 4-0, 11e journée de Ligue 1 Conforama, le 27/10/2019), je n’ai pas pu m’empêcher de penser que l’ambiance aurait été encore meilleure s’il y avait eu des supporters des deux équipes dans les tribunes (les supporters marseillais étaient interdits de déplacement), mais en même temps, j’ai vu en deuxième temps, alors que le Paris SG était bien en avance (4-0 à la mi-temps), des manifestations inutiles de mépris, d’humiliation par rapport à l'équipe adverse. Nous sommes bien conscients que les citoyens viennent aux matches pour passer un bon moment, pour se défouler, pour chanter, pour dire ce qu’ils ne peuvent pas dire dans leur milieu professionnel ou familial. On n’ira donc pas vers une censure de ce qui se dit ou s'écrit sur des banderoles. Néanmoins, on veut responsabiliser les supporters, car on veut que des groupes de supporters puissent se côtoyer en toute bienveillance, dans le respect de la sécurité de tous.

On n’est pas du tout dans une démarche qui consisterait à davantage sanctionner que prévenir. On veut inciter le monde sportif à prendre sa part dans ce combat sociétal. A cinq ans des JO sur notre territoire, il faut qu’on parle fortement de ce qu’est le spectacle sportif, qu’on incite les citoyens à mieux apprécier le spectacle sportif. Et dans le spectacle sportif, il y a la notion de supportérisme et on a envie que cette notion soit préservée. Notre volonté, c’est préserver ces groupes de supporters et l’ambiance qui existe dans les stades dans le respect de leur intégrité, de leur sécurité, avec une meilleure intégration de ces supporters dans la vie des clubs et dans la vie du sport français. (Concernant les insultes ou chants homophobes) il y a eu beaucoup de prises de position de la part des instances, d’arbitres, des supporters… Il ne s’agit pas de faire un lexique, mais les mots sont importants et font partie d’un langage qui se transmet. Je veux responsabiliser le monde du sport, mais surtout les supporters pour que le sport prenne sa part dans la lutte contre les discriminations dans notre société. » Roxana Maracineanu, ministre des Sports, le 28/10/2019.

Instance nationale du supportérisme : discriminations, déplacement des supporters et tribune debout

• Roxana Maracineanu, ministre des Sports, a présidé le 28/10/2019 la cinquième réunion de l’Instance Nationale du Supportérisme (INS) créée à l’initiative du ministère des Sports en 2016 pour contribuer au dialogue constructif entre les supporters et les représentants de l’État, des clubs professionnels et du mouvement sportif.

• L’instance s’est réunie au ministère des sports en présence de Laurent Nunez, secrétaire d‘État auprès du ministre de l’Intérieur, de Nathalie Boy de la Tour, présidente de la Ligue de Football Professionnel, de Florence Hardouin, directrice générale de la Fédération Française de Football, des experts et représentants des acteurs du sport professionnel et des principales associations de supporters. La ministre des Sports y avait également convié les députés Marie-George Buffet et Sacha Houlié qui conduisent actuellement une mission parlementaire sur le sujet du supportérisme.

• La séance a permis d’aborder en profondeur plusieurs thématiques suivies par des groupes de travail dédiés au sein de l’INS : la prévention et la sanction des discriminations notamment homophobes dans les stades, les déplacements des supporters et le bilan de l’expérimentation des tribunes debout.

• S’agissant de la prévention, de la sensibilisation et des sanctions relatives aux discriminations, l’ensemble des membres de l’INS considère que ce sujet fait l’objet d’une responsabilité partagée et que chacun doit prendre sa part à ce combat de société.

 • Aussi, la dynamique visant à renforcer le nombre, le rôle et le statut des référents supporters au sein des clubs professionnels, a recueilli l’adhésion des membres, tout comme l’intérêt de multiplier les temps d’échanges entre les acteurs du sport professionnel et notamment du football (clubs, joueurs, éducateurs, arbitres et supporters) avec les associations de lutte contre les discriminations. Cette démarche nationale doit trouver une déclinaison locale et permettre l’organisation de rencontres et d’échanges à l’échelle des ligues et des clubs.

• La ministre des Sports a par ailleurs insisté sur la nécessité de poursuivre et accélérer la formation des éducateurs à la question des discriminations. Elle a notamment proposé de soutenir les clubs dans la mise en place d’actions de sensibilisation et de mettre à leur disposition tous les outils disponibles au ministère.

• La ministre a également annoncé le lancement d’une mission d’appui de trois mois confiée au cabinet Mouvens (« A travers la réalisation d'études et la conduite de missions de conseil, Mouvens intervient au service de toutes les administrations et auprès de toutes les formes de collectivités », indique le cabinet sur son site) pour apporter une approche méthodologique sur la question des discriminations dans les stades et aller à la rencontre de tous les acteurs afin de nourrir les travaux du groupe de travail concerné.

• Sur le volet des déplacements de supporters, la ministre des Sports a convié Laurent Nunez pour faire un point avec toutes les parties prenantes sur les interdictions de déplacements. Après un état des lieux des mesures prises et un rappel du contexte relatif à la mobilisation des forces de l’ordre, le secrétaire d‘État auprès du ministre de l’Intérieur a écouté les propositions du groupe de travail de l’INS et annoncé l’élaboration prochaine d’une circulaire à destination des préfets. « Cette situation exceptionnelle doit retrouver une forme de normalité » a résumé Laurent Nunez. 

• L’objectif est de mettre en place, bien en amont des matchs sensibles ou à risque, un tour de table avec les clubs, directeurs sécurité et référents supporters pour évaluer la possibilité et les modalités du déplacement, en toute transparence.

• Le secrétaire d‘État auprès du ministre de l’Intérieur a aussi souligné l’importance du rôle des clubs pour établir un lien de confiance avec les préfectures et s’assurer du bon déroulement des déplacements. Les ministres se sont accordés pour ne plus banaliser les interdictions strictes de déplacement et privilégier les déplacements encadrés dès lors que les conditions de sécurité le permettront.

• Enfin, le groupe de travail sur les tribunes debout a présenté son rapport à l’issue de l’expérimentation effectuée dans quatre stades (Saint-Étienne, Amiens, Sochaux et Lens). Au regard des conclusions extrêmement positives, un plus large déploiement est désormais envisageable.

Ministère des Sports, communiqué du 28/10/2019

 

« Jamais la Ligue n’a autant travaillé qu’au cours de ces deux ou trois dernières années sur les discriminations » (N. Boy de la Tour, LFP)

• «  Sur le sujet des discriminations, je pense que jamais la Ligue n’a autant travaillé qu’au cours de ces deux ou trois dernières années. C’est un sujet de longue haleine, il serait illusoire de penser qu’on va changer les choses d’un coup de baguette magique.

• Nous avons mis en place un plan d’action avec l’Association nationale des supporters et les associations LGBT pour avancer au niveau local et avoir des sessions de sensibilisation qui permettront aux supporters de mieux comprendre pourquoi les mots qui sont employés de temps en temps peuvent blesser.

• Il y a souvent un écart de perception entre ce qui peut être dit et la façon dont c’est perçu. Comme la ministre des Sports l’a dit, ces discriminations dépassent largement le cadre du sport, ce sont des faits de société, mais l’exposition médiatique et le devoir d’exemplarité du football font que nous devons prendre part au combat. Nous prenons donc part à ce combat pour faire évoluer les mentalités et faire en sorte qu’on arrive à une société plus inclusive et plus tolérante. »

• « (A propos du match Paris SG - OM du 27/10/2019), il y a eu des choses qui n’auraient pas dû avoir leur place dans le stade. Maintenant, c’est à la commission de discipline de la Ligue de se réunir comme elle le fait chaque semaine et d'évaluer ce qui a été dit ou fait et de prendre les sanctions qui lui semblent devoir correspondre.

• L’expérimentation des tribunes debout est très positive. Le bilan est unanimement salué. Nous souhaiterions donc aujourd’hui passer d’une expérimentation à une application plus globale, ce qui nécessite une modification du Code du Sport. Les clubs, les supporters, les préfets sont en tout cas très favorablement impressionnés par l’expérimentation qui doit donc pouvoir être élargie.

• C’est tout l’intérêt de ce genre de réunion et de cette Instance nationale du supportérisme : faire en sorte qu’il n’y ait pas de sujet tabou et échanger ensemble avec les associations de supporters afin de pouvoir entendre leur point de vue et construire pas seulement dans la répression, mais surtout dans la concertation et l’innovation. »

Nathalie Boy de la Tour, présidente de la LFP, le 28/10/2019