« Un club de football a des besoins très larges qui vont de la promotion, à la billetterie en passant par le merchandising, l’hospitalité, le digital… Pour y répondre, le club a besoin d’un territoire de marque souple et modulable. Véritable boîte à outils identitaire, le territoire graphique que l’on a conçu pour le Stade de Reims y répond complètement », souligne Dominique Jubert.
« A-t-on besoin encore aujourd’hui d’avoir un ballon de football sur le logo d’un club ? Je n’en suis pas certain. Le Stade de Reims est clairement identifié dans l’univers du football comme étant un club, nous nous en sommes donc affranchis. Nous n’avons également pas repris la date de création du club (1931), mais le fait de ne pas l’insérer sur le logo ne renie pas cette origine et son histoire », explique-t-il.
« Un bon logo n’est pas nécessairement un logo de consensus, sinon on ne s’en sort pas. En cela, nous avons énormément travaillé avec le club pendant un an et demi afin que l’on reste bel et bien vigilant quant à retranscrire fidèlement l’âme du club », ajoute le directeur général de Leroy Tremblot, qui répond aux questions de News Tank.
Comment a débuté ce projet de nouvelle identité graphique ?
Le Stade de Reims et Leroy Tremblot ont commencé à travailler sur le sujet il y a un an et demi. Au départ, le club souhaitait nous confier l’habillage du centre de vie et d’entraînement dont les travaux étaient déjà en cours, notamment sur l’Académie. Après discussion avec eux, nous leur avons recommandé un travail plus global sur la marque qui incluait l’habillage du Centre de vie Raymond Kopa. Il en a donc résulté une réflexion sur la modernisation du logo qui datait de 1999.
Mais moderniser un logo juste pour le mettre dans l’air du temps n’est pas suffisant. Nous avons donc effectué un véritable travail de fond, avec une véritable stratégie de marketing derrière. Le Stade de Reims se projette et regarde vers le futur. Avec Leroy Tremblot, le club a donc décidé de retravailler l’identité de marque du club au sens large de manière à lui donner tous les attributs nécessaires afin de soutenir ses ambitions.
Un travail exploratoire a été fait au départ. Le premier logo du Stade de Reims (1931-1991) intégrait un élément symbolique du club et de la ville : la bouteille de champagne. On a donc effectué des recherches au niveau juridique pour savoir s’il était possible, malgré la Loi Évin, de reprendre des éléments de ce symbole, et dans quelle mesure. Nous nous sommes rendu compte que cela était trop délicat. De même, nous ne voulions pas proposer un logo qui ressemble à celui d’une cave champenoise. Nous avons donc abandonné cette piste. Le Stade de Reims dispose d’une culture riche avec de nombreux éléments mobilisables.
Sur quoi, alors, se base le storytelling de ce nouveau territoire de marque ?
Lorsque l’on travaille sur un logotype, ce qui importe est effectivement de donner du sens et de raconter une histoire. Le Stade de Reims est un club de sport : le blason fait partir des références du sport. Nous avons donc voulu intégrer le blason à l’identité du club rémois, mais nous voulions lui trouver un dessin spécifique. Ce blason est calqué sur les contours du porche de la Cathédrale de Reims. La cathédrale renvoie à la cité des sacres -de nombreux rois de France ont été sacrés dans ce lieu- mais aussi à l’histoire du club qui, dans les années 50-60 avec notamment Raymond Kopa dans ses rangs, a fait partie des premiers rois du football.
Nous avons composé cette nouvelle identité visuelle en nous appuyant sur des éléments symboliques forts. Par exemple, la couronne a en son centre un joyau en forme de pentagone qui relie à l’univers du football. Les lettres SR sont désormais indissociées au centre du logo, pas comme sur l’ancien où elles étaient séparées par le sourire de l’ange. De cette manière, elles forment un élément unique et solidaire de telle sorte que ce monogramme devienne un attribut fort et exclusif au Stade de Reims.
Au-delà du logo, la marque détient tout le potentiel pour séduire de nouveaux partenaires ou une cible plus jeune, mais aussi pour développer une gamme large de produits merchandising…
Le ”flat design” (style de forme bidimensionnel typiquement plat, sans aucun effet ajouté) est de plus en plus mobilisé par les clubs de sport (logo du Juventus FC, du FC Nantes) …
La tendance au flat design est générale au monde du design, elle n’est pas spécifique au sport. Plus une identité est simple, identifiante et exclusive, plus elle pourra inscrire sur le long terme. Le territoire de marque qui accompagne le logotype, comme c’est le cas avec le Stade de Reims, va permettre de le théâtraliser et de valoriser la nouvelle marque. Là où le logo a une durée de vie limitée, le territoire de marque permet beaucoup de souplesse d’usage pour pouvoir fonctionner quels que soient les supports et les typologies de besoins. Un club de football a d’ailleurs des besoins très larges qui vont de la promotion, à la billetterie en passant par le merchandising, l’hospitalité, le digital… Pour y répondre, le club a besoin d’un territoire de marque souple et modulable. Véritable boite à outils identitaire, le territoire graphique que l’on a conçu pour le Stade de Reims y répond complètement.
On s’aperçoit d’ailleurs qu’à l’inverse de tendances précédentes, le flat design bénéficie d’une certaine pérennité et donne plus de puissance à une marque.
Travailler sur un logo peut être délicat au regard de l’attente des supporters. Comment une agence la prend-elle en compte ?
La stratégie d’un club correspond à celle d’une entreprise, elle dépasse les strictes ambitions sportives chères aux supporters. Dans ce genre de projet, il faut concilier la dimension stratégique et l’aspect passionnel. Certes la marque évolue, mais le club véhicule toujours la même passion. Il est donc important pour nous de sentir une adhésion et un sentiment d’appartenance pour ceux qui portent ces couleurs, avec au premier rang, les joueurs. Ces derniers ont déjà pris connaissance du nouveau logo et nous avons directement senti un effet coup de cœur de leur côté. J’espère que les supporters le ressentiront ainsi, en dépit de la nostalgie de l’ancien logo. Mais tous les ingrédients qui font l’âme du Stade de Reims ont été maintenus : le Rouge et le Blanc, son nom désormais écrit de manière moderne et puissante, le blason qui renvoie au football, le S et le R qui sont donc devenus un monogramme…
A-t-on besoin encore aujourd’hui d’avoir un ballon de football sur le logo d’un club ? Je n’en suis pas certain. Le Stade de Reims est clairement identifié dans l’univers du football comme étant un club, nous nous en sommes donc affranchis. Nous n’avons également pas repris la date de création du club (1931), mais le fait de ne pas l’insérer sur le logo ne renie pas cette origine et son histoire. Cet élément-là peut plutôt être traité dans d’autres supports de communication ou dans le cadre du développement d’une collection vintage, en complément du logo. Un bon logo n’est pas nécessairement un logo de consensus, sinon on ne s’en sort pas. En cela, nous avons énormément travaillé avec le club pendant un an et demi afin que l’on reste bel et bien vigilant quant à retranscrire fidèlement l’âme du club.
Le Stade de Reims avait-il lancé un appel d’offres pour ce projet ?
Non. Nous avons échangé de gré à gré avec des représentants du club sur leur problématique et leurs besoins afin de travailler en coconstruction sur le brief de la stratégie de marque. Nous avons également fait évoluer la signature de marque du club, passant d’”Institution de Football” à ”Maison de Football”. La connotation ”Institution” faisait écho au prestige historique du club, mais était trop tournée vers le passé et manquait d’humanité. La notion de ”Maison” semble désormais plus opportune : tout en gardant la dimension historique du club, elle ancre le Stade de Reims dans son territoire par le lien immédiat avec l’appellation “Maison de Champagne”, faisant la part belle au savoir-faire du club en matière de formation, créant de la proximité avec ses différents publics. Elle apporte plus de chaleur, fait référence aux talents, mais aussi à l’artisanat avec ce côté de savoir-faire ancestral qui s’inscrit dans la tradition.
Avec quelles autres entités sportives avez-vous déjà travaillé ?
Dans le football, nous avons notamment travaillé avec la Ligue de Football Professionnel au travers de l’identité graphique de la Ligue 1 Conforama. Nous avons aussi été à l’origine de l’architecture de marque de la Fédération Française de Football en 2008. Nous avons également travaillé avec l’AS Monaco FC et le FC Nantes (nouveau logo depuis 2019). Nous sommes aussi à l’origine de toute l’identité visuelle de la CAF et de ses compétitions. Nous avons collaboré avec l’UEFA sur tout le branding de l’Euro 2016 en France. Pour la compétition, nous avons conçu l’habillage des stades, des villes hôtes et des fanzones. Pour l’Euro 2020, nous sommes engagés sur une mission équivalente et même plus ambitieuse, puisque nous sommes en charge du déploiement de l’habillage de la compétition dans les villes hôtes. Notre mission a donc été décalée, puisque la compétition se disputera finalement en 2021. Les travaux reprendront en fin d’année 2020.