Lancé le 10/09/2019, France Sport Expertise est véritablement né le 28/11/2019. Difficle d'imaginer alors quelle première année allait vivre ce GIE ?
Il y a eu un travail de préfiguration et de réflexion sur les axes prioritaires dès la décision officielle de lancement de ce groupement d’intérêt économique. Et effectivement, alors que les choses se mettaient en place, à partir de fin janvier 2020, France Sport Expertise s’est trouvé confronté à la crise sanitaire, ce qui a provoqué du retard dans un contexte illisible à ce moment. Du coup, ça s’est mis en place administrativement en mai et France Sport Expertise a commencé à bien travailler, sous la présidence de Claude Revel. Quant à moi, je suis arrivée début novembre 2020. Cela ne fait donc pas longtemps que je suis dans mes fonctions.
Ce que je vois, c’est une excellente dynamique et les entreprises s’engagent pleinement.
Quel est le dossier prioritaire de France Sport Expertise ?
L’objectif est clairement de se positionner en amont sur les marchés, sur les appels d’offres, car une fois qu’ils sont publiés, on sait bien que le travail est déjà bien entamé. L’objectif est donc de travailler sur les critères, en avance de phase. Où ? En France et à l’étranger. France Sport Expertise a été créé avec un prisme international très fort, sur les GESI et sur les marchés de développement du sport. Aussi bien au niveau d’équipements en dur par exemple que de l’activation en favorisant le développement social par le sport.
Nous travaillons donc sur ces deux piliers en priorité et nous voulons développer notre présence en France - avec Paris 2024 en ligne de mire -, en partant du principe que nous devons être forts chez nous pour être forts à l’étranger. Notre objectif est assez pratico-pratique, en fait : remporter des marchés. Il s’agit de créer une équipe de France d’entreprises pour aller gagner des marchés, sur les grands événements évidemment et à tous les niveaux, avec l’État, le mouvement sportif et auprès des collectivités, en France et à l’étranger.
A l’étranger, une spécificité française, un savoir-faire sont-ils véritablement reconnus ?
Tout à fait ! Sur l’organisation des grands événements, cela a presque commencé avec France 98 (Coupe du monde de football). A partir de là, une véritable expertise française s’est construite, qui se vend parfois mieux à l’étranger que chez nous. France Sport Expertise a le soutien bienveillant des Pouvoirs publics, mais il est complètement privé et ne fonctionne qu’avec les cotisations de ses membres. Il n’y a pas de subventions publiques : c’est important de le rappeler. Nous sommes un outil opérationnel de la filière de l’économie du sport, mais nous sommes autonomes.
Nous réunissons de grandes entreprises : l’expertise à l’étranger de GL Events n’est pas à démontrer, Decathlon, Loxam (location de matériel), etc. Il y a aussi Orange, qui a une grande expérience sur l’Afrique, ainsi que de plus petites entreprises avec des expertises très particulières comme Cryo Control pour les bains froids ou encore Hurricane pour les sports extrêmes. Nous avons aussi un cabinet d’architectes et beaucoup d’autres expertises, mais on sait qu’on ne couvre pas encore toutes les expertises qui correspondent aux offres de marché que peut représenter un grand événement sportif. Il y a encore des trous dans la raquette. Dans la campagne de recrutement que nous allons mener dans les prochains mois, c’est donc ce que nous allons chercher, des entreprises qui rejoignent notre équipe.
Si une entreprise souhaite intégrer France Sport Expertise, comment ça se passe ? Elle doit faire acte de candidature ?
Elle doit candidater. Nous nous rencontrons alors pour mieux nous connaître. Nous expliquons comment nous travaillons, nous demandons un véritable engagement de l’entreprise, au-delà de l’engagement financier. Le Conseil d’administration est enfin décisionnaire.
Nous voulons du partage d’informations. L’intelligence économique, avant toute chose, c’est de l’échange d’informations ! Des informations qui ne vont pas manquer à l’entreprise qui les donnent, mais qui va enrichir celles qui les reçoivent et leur permettre de construire des consortiums au sein du GIE pour répondre à des marchés. Mais France Sport Expertise n’a pas à connaître tout ce qui relève du commercial. Nous sommes simplement là pour créer les meilleures conditions possibles afin que les entreprises se connaissent, se fassent confiance, mettent en place des consortiums pour répondre à des appels d’offres et évidemment les remporter. Nous sommes en amont et en influence auprès des donneurs d’ordre. C’est ce que nous voulons développer, mais nous n’en sommes qu’au tout début.
Les entreprises qui ont rejoint France Sport Expertise comprennent et partagent cette philosophie ?
Complètement ! En toute transparence, je suis même surprise de leur niveau d’engagement. Certaines sont très connues en France, mais pas à l’étranger, d’autres le sont, mais pas sur tous les marchés… Même en période de crise sanitaire, elles sentent la nécessité d’être groupées pour être plus fortes. La tendance à se recroqueviller sur soi n’est pas dans l’ADN de France Sport Expertise. Et certaines travaillent déjà ensemble.
Avez-vous des modèles au niveau international, des références ? Y a-t-il d’autres exemples de structures qui permettent ainsi à des entreprises de chasser en meute ?
Cela existe un peu chez les Belges. Cela existe aussi chez les Britanniques, de manière un peu différente : ils utilisent leur réseau associatif et diplomatique sur le sport, avec des « référents sport » dans tous les pays qui ont organisé ou qui vont accueillir des grands événements.
Mais cette idée n’avait pas été évoquée en France ?
Si, mais ces diplomates chargés du sport ont des portefeuilles souvent très larges et ce n’est donc pas toujours leur priorité. Nous sommes en relation avec de nombreuses ambassades, en Afrique, au Japon bien sûr, bientôt aux États-Unis… Nous travaillons pour que le sport soit encore mieux reconnu comme un outil diplomatique et un outil d’influence économique.
C’est aussi pour cela qu’a été créé France Sport Expertise, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères fait d’ailleurs partie des trois ministères engagés dans la filière de l’économie du sport.
Est-il encore nécessaire de convaincre de l’importance du sport ? Avez-vous le sentiment que ce secteur d’activité est moins bien considéré en France qu’ailleurs ?
Oui, il faut toujours convaincre ! On pense aux élus et aux administrations, mais aussi aux chefs d’entreprises, aux parents et à toutes les Françaises et Français, car le sport est un objet économique, social, sanitaire, tout cela à la fois. Il faut aussi expliquer que c’est un secteur économique à part entière, qui a connu de grandes années de croissance, résilient pendant la crise de 2008, mais qui a connu un coup d’arrêt en 2020.
Il faut convaincre, encore et encore, au niveau de la culture du sport et au niveau économique. Les Anglo-Saxons qui se disent libéraux parviennent à mettre en place des critères pour faire en sorte que leurs entreprises locales puissent répondre aux marchés comme pour les JOP de Londres en 2012. Nous devons travailler sur cet environnement règlementaire.
l faut respecter le commerce international et les règles de la commande publique, bien sûr, mais il ne faut pas être naïfs et être conscients qu’il y a une expertise française à promouvoir. Travaillons ensemble sur les normes environnementales, sociales, responsables pour mettre en avant, dans les appels d’offres, des critères sur lesquels nos entreprises sont déjà engagées et seront en pointe.
Est-ce qu’on ne risque pas de traverser une période délicate, car il ne sera pas possible d’accueillir des événements sportifs aussi importants avant longtemps ?
Premier élément de réponse : tous les événements organisés en France créent une expertise, un savoir-faire, autant pour la capacité d’accueil que pour les entreprises françaises engagées. Nous sommes donc en avance dans certains secteurs et cela doit nous permettre de nous positionner sur un certain nombre de marchés.
Deuxième élément : c’est pour cela qu’on va à l’export. Nous espérons qu’il y aura un véritable modèle de livraison des Jeux de 2024 et que ce nouveau modèle va nourrir Los Angeles 2028 notamment.
Troisième élément : nous identifions des pays émergents sur le sport, comme l’Inde par exemple, qui souhaitent se positionner sur l’accueil d’événements sportifs.
Dernier élément : la France accueillera encore des grands événements. Par ailleurs, ces événements vont devoir changer. Ils vont devoir être plus responsables et on pense à l’environnement d’abord, mais pas seulement. Au niveau social, aussi. L’ambition des JOP de Paris 2024 est d’organiser des Jeux plus vertueux. Cela nous positionnera comme pays d’accueil.
Une entreprise membre du GIE peut-elle croiser des concurrents directs au sein-même de France Sport Expertise ?
Pour l’instant, nous n’avons pas de concurrents directs en intra. Mais ça viendra sûrement avec le temps. Nous travaillons actuellement à une charte qui précisera des valeurs que France Sport Expertise veut porter à travers ses entreprises membres. C’est essentiel pour être cohérents. Tout le monde peut contribuer. Il s’agit de créer une équipe de France.
La pandémie de coronavirus a-t-elle des incidences sur le plan d’action de France Sport Expertise et son calendrier ?
On se concentre sur les prochains événements, on s’est aussi concentrés sur la France (France 2023 et Paris 2024) tout en continuant à préparer le terrain pour de futurs déplacements à l’international. Nous avons un focus sur l’Afrique, en matière de grands événements et en termes de développement du sport avec nos réseaux diplomatiques et économiques.
Après, nous nous calons sur les grands événements, avec Tokyo (Jeux Olympiques et Paralympiques décalés en 2021) en ligne de mire. Nous prévoyons d’organiser une « vitrine » de notre savoir-faire, mais nous attendons encore la confirmation qu’il y aura des Jeux, et des Jeux avec du public.
Nous suivons aussi le développement au Moyen-Orient, région moins touchée par le Covid-19. Nous sommes, au final, assez optimistes pour 2021… Et nous espérons travailler avec du public dans les stades.
Personnellement enfin, avez-vous le sentiment de pouvoir utiliser toutes vos expériences passées dans vos nouvelles fonctions ?
Je suis vraiment ravie d’avoir rejoint France Sport Expertise, qui a un positionnement à la fois institutionnel et privé et en lien avec les acteurs du mouvement sportif.
Cela rassemble par ailleurs beaucoup de mes intérêts, notamment mon souhait de travailler sur le positionnement, d’un point de vue économique, de la France à l’international.
Claire RABÈS, Directrice Générale, France Sport Expertise
© D.R.
Source : News Tank Sport