EXTRAIT DU MAG : « 80% des études que nous réalisons portent sur des enjeux marketing, dans tous les univers et sur tout type de cibles »
À l’instar de la récente étude publiée par Hubside, éditeur français de sites web, en partenariat avec l’institut de sondage OpinionWay, sur les événements sportifs plébiscités par les Français, l’association entre les marques et les instituts de sondage est fréquente. Luc Balleroy, directeur général d’OpinionWay, explique son rôle dans ce marché ultra concurrentiel.
Sport Stratégies : OpinionWay, en quelques mots ?
Luc Balleroy : OpinionWay est un institut d’études marketing et de sondages d’opinion, créé en 2000. Nous rassemblons près de 100 collaborateurs en France et une vingtaine dans nos filiales à l’étranger (Pologne, Maroc, Côte d’Ivoire). En 2020, notre activité représente plus de 1 100 études réalisées avec 30% d’études internationales.
S.S : Quels sont les domaines sur lesquels vous intervenez ?
L.B : 80% des études que nous réalisons portent sur des enjeux marketing, dans tous les univers et sur tout type de cibles, avec des méthodologies quantitatives, qualitatives, la création de communautés online, la Social Media Intelligence et la Big Data. Notre mission : rendre le monde intelligible pour agir aujourd’hui et imaginer demain.
S.S : Les sondages dans le domaine du marketing sportif sont de plus en plus nombreux aujourd’hui. Pour quelles raisons assistons-nous, selon vous, à une telle accélération ces dernières années ?
L.B : Oui, en effet, nous assistons à une augmentation du nombre de sondages dans le domaine du marketing sportif et deux facteurs sont à l’origine de cette croissance.
Le premier tient au fait que, dans une société en tension depuis de nombreuses années, le sport, dans toutes ses expressions, vient apporter une forme de cohésion sociale ; il répond à un besoin latent : retrouver un sens au vivre ensemble. Ainsi, pour les entreprises, le sponsoring sportif permet de rassembler autour d’un même sujet fédérateur toutes ses parties prenantes -ses clients B2C et B2B, ses collaborateurs, ses actionnaires et même ses sous-traitants. Il est un objet consensuel autour duquel tous se retrouvent dans un même élan émotionnel.
Le second facteur résulte du niveau des investissements, lesquels sont de plus en plus importants. Il ne s’agit plus d’une lubie du PDG ou du directeur général. Le marketing sportif s’inscrit désormais dans une véritable stratégie de communication de l’entreprise, et comme pour tout investissement, les entreprises cherchent à réduire la marge d’incertitude et à mesurer le ROI de leurs actions. C’est là que nous intervenons.
À l’instar des signes emblématiques porteurs de sens que Roland Barthes a rassemblés dans son livre Mythologies à la fin des années 50, un événement récent aurait pu y figurer en bonne place pour illustrer le poids du marketing sportif dans le monde d’aujourd’hui. Je pense bien évidement au geste de Ronaldo, lors d’une conférence de presse pour l’EURO2020, qui prend deux bouteilles de Coca-Cola posées devant lui pour les mettre de côté tout en disant « Non, que l’eau ! ». La valeur marchande de Coca-Cola a chuté de 2,8 milliards de Livres Sterling, de grandes marques d'eau minérale ont pris le relais, dont Evian, en partageant la vidéo via Twitter avec la légende : « Nous n'aurions pas pu le dire mieux nous-mêmes ! #stayhydrated #drinktrue », et IKEA a lancé une nouvelle bouteille d'eau réutilisable sous le nom de « Cristiano ».
S.S : Preuve en est le nombre d’études que nous publions dans Sport Stratégies, le B2B s’intéresse de plus en plus aux études et aux sondages d’opinion. Une explication, là encore ?
L.B : D’un point de vue global, le brand content et le marketing d’influence occupent une place de plus en plus importante, et les sondages d’opinion constituent un moyen exceptionnel pour préempter un territoire et affirmer sa connaissance d’un sujet. En B2B, le besoin de communiquer autour de contenus étayés par des chiffres est encore plus prégnant que sur l’univers B2C. C’est la raison pour laquelle les demandes émanant de cet univers sont aussi en croissance forte, sachant que nous disposons d’un département spécialisé sur l’interrogation de ces cibles.
S.S : En général, qui sont les prescripteurs des sondages et que vous demandent-ils ?
L.B : Pour ce qui est des études dites « de marché » -études de positionnement, tests de concepts, segmentation de marché, études de satisfaction, optimisation de l’expérience client, études de communication, etc.- les demandeurs sont les Directions marketing.
Pour la partie sondages d’opinion à vocation de publication, nos clients sont essentiellement les agences de communication corporate et les agences de Relations Publiques, qui cherchent à asseoir leurs prises de parole sur des chiffres qui viennent légitimer la mission de l’entreprise ou qui lui permettent de mettre en avant un sujet de préoccupation des acteurs du marché sur lequel elle intervient.
S.S : Les sondages / enquêtes constituent-ils réellement une bonne photographie, à date, d’une tendance ou d’une opinion ?
L.B : Certainement. Et si tel n’était pas le cas, notre métier aurait disparu depuis bien longtemps. Mais la qualité de la photographie tient à la pertinence des questions qui sont posées et à la représentativité de l’échantillon. C’est là qu'entre en jeu tout le savoir-faire des professionnels des sondages.
Donc, oui, les sondages donnent en effet une bonne photographie de l’opinion à un instant donné, mais la confusion sur la fiabilité des sondages tient au fait qu’aujourd’hui de nombreuses plateformes media ou réseaux sociaux proposent à leur audience de donner leur avis en ligne, ne maîtrisant absolument pas la représentativité de ceux qui s’expriment. Ce mode de consultation libre a toujours favorisé ceux qui sont les plus engagés ou mobilisés sur une cause, générant des biais de représentativité majeurs. En outre, comme les sujets choisis sont souvent des sujets polémiques, alors viennent s’exprimer des hordes de trolls venant faire la démonstration que leur point de vue n’est pas minoritaire. De fait, ces résultats ne représentent pas l’état de l’opinion bien qu’ils soient présentés comme des sondages…
S.S : Qu’est-ce qu’un échantillon représentatif ?
L.B : Un « échantillon représentatif » est appelé ainsi car cela signifie que si nous interrogions toutes les personnes qui constituent la population de référence, nous trouverions les mêmes résultats que ceux issus du sondage, à la marge d’erreur près. Pour garantir cette représentativité, nous interrogeons en proportion équivalente les différentes catégories de la population : c’est ce qu’on appelle les quotas.
Pour les études grand public, les quotas sont fixés sur le sexe, l’âge, la catégorie professionnelle, la taille de l’agglomération et la région d’habitat. Pour les études B2B, les quotas le plus souvent retenus sont : la fonction dans l’entreprise, le secteur de l’entreprise, la taille de l’entreprise, la région de localisation. Ces critères et quotas garantissent le fait que toutes les catégories d’une population sont interrogées et que leur poids dans l’échantillon global est bien équivalent à leur poids dans la population de référence.
S.S : En quoi consiste le redressement des résultats bruts ?
L.B : Il arrive que l’on redresse les résultats pour avoir un échantillon qui représente très exactement les quotas des différentes strates de la population, ou bien encore pour les études politiques, afin de retrouver très exactement les pourcentages des votes exprimés à la dernière élection en demandant aux individus de nous indiquer quel avait été leur choix. Ainsi, nous fiabilisons encore la mesure sur des enjeux sur lesquels les résultats que nous publions sont minutieusement examinés et commentés.
S.S : Quelle est la marge d’erreur d’une enquête ou d’un sondage ?
L.B : D’un point de vue technique, la marge d’erreur -que nous communiquons toujours avec nos sondages- tient à la fois à la taille de l’échantillon et au pourcentage observé. Plus les scores observés sont extrêmes (10% ou 90%), plus la marge d’erreur est faible. Plus le chiffre se rapproche des 50%, plus la marge d’erreur est élevée. Toutefois, avec des échantillons représentatifs de 1 000 individus -y compris sur des scores médiansla marge d’erreur est inférieure à 3 %.
S.S : Y a-t-il des règles à respecter en l’espèce ?
L.B : La réalisation des sondages et études marketing est encadrée par une norme AFAQ ISO 20252. OpinionWay est certifié, mais tous les instituts ne le sont pas. Les sondages publiés se doivent d’indiquer le nom du commanditaire, la date, l’origine de l’échantillon, les quotas retenus, les marges d’erreur, l’intégralité des questions posées.
Pour les sondages politiques publiés, l’ensemble de ces éléments doivent être consignés dans une notice qui est remise à la Commissions des sondages avec, en outre les éléments concernant les redressements effectués. Il faut savoir qu’OpinionWay a fait le choix de rendre publiques systématiquement les clés de redressement que nous utilisons.
S.S : En marketing sportif spécifiquement, quelles sont les questions ou les thématiques qui intéressent le plus, selon vous ?
L.B : Comme je l’évoquais au début de notre interview, associer son nom à une égérie, sponsoriser un évènement ou un sportif, acheter des droits… induisent des niveaux d’investissement souvent importants et quelques fois colossaux, selon la nature du sport. Aussi, les problématiques les plus fréquentes s’articulent principalement autour de la cohérence de ces choix avec les valeurs de la marque et/ou son apport à l’image corporate de l’entreprise, au choix des égéries et évènements et à la mesure du retour sur investissement.
S.S : Comment peut-on améliorer l’exercice, selon vous, aujourd’hui ?
L.B : Le plus difficile aujourd’hui, et qui constitue une sorte de quête du Graal, c’est cette fameuse appréhension du ROI. C’est-à-dire d’arriver à mesurer précisément l’apport d’un investissement sur la qualité de l’image de l’entreprise. C’est une évaluation difficile à faire car l’image d’une entreprise est la résultante de nombreux facteurs à la fois tangibles et intangibles - ce qu’elle fait, ce qu’elle propose, ce qu’elle dit, ce qu’on dit d’elle- lesquels s’inscrivent dans une dynamique temporelle.
Sachant, par ailleurs, que les bénéfices sont rarement immédiats et qu’il faut du temps pour qu’une action de marketing sportif apporte une réelle inflexion à l’image de l’entreprise. C’est là qu’il faut faire preuve d’inventivité pour tracker l’ensemble des signaux faibles qui permettent d’approcher la mesure de l’impact.