La génération TikTok ne pratique pas le sport comme ses aînés. Habituée à avoir le choix au bout des pouces grâce aux nouveaux usages numériques, elle a été biberonnée aux applis Foodtech et e-commerce. Elle veut avoir le choix de consommer où elle veut et quand elle en a envie. Et ne lui demandez pas d’engranger les performances sportives ! Adepte des séries Netflix et des jeux vidéo, elle veut vibrer et recherche avant tout du sens : découvrir des lieux uniques, se mobiliser pour des causes, le tout en lien avec sa communauté. Des attentes inédites qui obligent l’écosystème sportif à se réinventer s’il veut attirer ces nouveaux pratiquants.
UN RETOUR PROGRESSIF À LA NORMALE
À mesure que les restrictions sanitaires s’assouplissent, les Français retrouvent un nouveau souffle. Rêvant d’un retour à l’avant-Covid, ils
commencent progressivement à se projeter dans le monde d’après. Avec la réouverture des salles de sport et la reprise des compétitions internationales, les sportifs de salon se projettent à nouveau dans les salles. Lassés de vivre dans l’incertitude, ils s’interrogent. Certes, ils vont pouvoir à nouveau pratiquer leur sport favori mais jusqu’à quand ?
UN MONDE DU SPORT QUI SE RECONFIGURE
Le « sport d’après » sera-t-il pratiqué de la même façon selon que l’on appartient à la génération accro à TikTok ou à celle qui a connu France 98 ? Une chose est sûre, la seconde a déjà commencé à se projeter dans un rassurant retour à la normale, heureuse de retrouver la franche camaraderie des clubs, leur « team de ouf » et l’ambiance des vestiaires.
Quant à la génération Z, son choix semble plutôt se porter vers un modèle différent, quelque chose qui pourrait éventuellement ressembler aux applis avec lesquelles elle s’est familiarisée. Son crédo : je choisis, je commande et j’expérimente. C’est en tout cas le constat qui a été fait depuis 2019, au moment même où le nombre de licences sportives a commencé à décroître.
UNE DIGITALISATION INÉDITE DE LA PRATIQUE DU SPORT
Durant ces mois de « sur-digitalisation » imposés par les confinements, les français ont pris l’habitude d’assouvir leurs envies sportives par écran interposé. Une tendance numérique qui est devenue un mode de vie, surtout pour les plus jeunes, plus addicts que jamais aux réseaux sociaux, aux plateformes de streaming et aux jeux vidéo. Pour mieux séduire ces nouveaux clients et leurs usages, le milieu du sport réfléchit à de nouveaux formats, plus sexy et plus dynamiques.
En témoigne le projet de Super League – aujourd’hui décrié par les instances européennes – lancé par Florentino Perez, dirigeant du Real Madrid. Selon lui, ces « combats de titans », bâtis sur-mesure, seraient plus à même d’attirer la génération esport qui préfère s’adonner à des divertissements plus excitants que le foot, comme la pratique des jeux vidéo en ligne ou le binge watching de séries sur Netflix ou Amazon Prime Vidéo.
VERS DE NOUVEAUX FORMATS CALIBRÉS POUR LES PLUS JEUNES ?
Un recul de quelques mois sera encore probablement nécessaire pour confirmer cette tendance et affiner nos analyses concernant les attitudes et comportements de la jeune génération vis-à-vis du sport. Cela dit, il est indispensable de poursuivre le questionnement. En effet, pour éviter une fracture générationnelle, il vaudrait mieux commencer à réfléchir dès à présent aux outils et à l’environnement à mettre en place pour susciter l’envie de pratiquer le sport chez les plus jeunes.
Le modèle traditionnel de l’abonnement à l’année sera certainement repensé. En effet, contrairement à ses aînés, la génération Z ne souhaite pas s’engager dans un sport unique et encore moins en signant un contrat standard.
UNE OFFRE MIXTE, FLEXIBLE ET DIGITALISÉE
S’ils souhaitent entrer dans le 21ème siècle, les clubs et les fédérations doivent repenser leurs offres. Ils peuvent, par exemple, proposer des licences packagées incluant plusieurs pratiques sportives. Pour s’adapter aux nouveaux usages en ligne et simplifier les procédures, ils devront également digitaliser toute la partie administrative, c’est-à-dire les licences, les certificats médicaux et les cotisations. Certaines instances sportives internationales ont bien compris cet impératif d’évolution. Nombre d’entre elles ont déjà commencé à se transformer autour du digital.
Associé à cinq Fédérations Internationales (FI) de sport et à des éditeurs de jeux vidéo, le Comité International Olympique (CIO) a proposé, entre le 13 mai et le 23 juin 2021, des épreuves virtuelles connectées de cyclisme, aviron, voile, sport auto et baseball. Les Jeux Olympiques de Tokyo 2020 s’étaient déjà mis au diapason en organisant la première édition du sport virtuel : l’Olympic Virtual Series.
FAIRE RIMER SPORT, EXPÉRIENCE ET SENS
Autre point essentiel : contrairement aux plus âgés, pour qui sport rime avec compétition et résultats, les jeunes ne sont pas uniquement accros à l’adrénaline et à la performance. Ils sont plutôt soucieux de vivre une expérience forte. Et pour eux, quand le sport permet de découvrir la nature et d’en savoir plus sur l’environnement, c’est encore mieux. Certains acteurs privés, leaders et précurseurs dans le domaine sportif en ont pris conscience. Par exemple, Décathlon a mis au point une application mobile qui permet de réaliser des circuits en vélo ou en randonnée de façon indépendante ou accompagné d’un guide.
Donner du sens à l’engagement sportif est également essentiel pour accroître leur motivation. En effet, la nouvelle génération est plus friande de challenges sportifs, dès lors qu’ils peuvent s’engager pour une cause ou une association, qu’il s’agisse du climat, de la diversité, du féminisme ou encore de la lutte contre le racisme. Dans le climat d’incertitude actuel, il est difficile de savoir si les craintes évoquées par les professionnels sont avérées. Néanmoins, il est rassurant de constater qu’un changement profond est en cours. Une nouvelle offre sportive est en train de voir le jour, moins institutionnelle, moins adossée à une réglementation stricte et attachée à mieux prendre en compte les besoins de chacun.
L’ancien modèle qui manquait de souplesse fera très probablement bientôt partie du passé, en tout cas pour les plus jeunes. Une chose est sûre, quelle que soit la réalité qui s’imposera à la rentrée de septembre, cette transformation s’appuiera sur le digital et sur les nouveaux usages numériques. Elle créera ainsi une nouvelle relation avec les licenciés, faisant définitivement entrer la pratique sportive dans le 21e siècle !
Paul-Emile Saab, CEO chez Sport Heroes