Soucieuse d’améliorer son accessibilité, la FFH mène depuis plusieurs années une stratégie de diversification pertinente. Et pour cause, l’instance propose une offre complète, laquelle intègre des activités de handball adaptées à tous, parce que ludiques et simplifiées. Le patron de la FFH, Philippe Bana, nous explique la politique mise en place par l’instance.
Sport Stratégies : Philippe Bana, du baby hand au beach hand en passant par le handfit, les activités dispensées par la FFH sont plurielles. En quoi cette diversification des pratiques est-elle stratégique pour l’instance ?
Philippe Bana : Cet élargissement progressif de nos activités répond à une nécessité d’adaptation et d’inclusion. Les fédérations sportives ne peuvent rester figées. S’entêter à construire une offre centrée uniquement sur la compétition et les 15-35 ans, c’est courir à la catastrophe. Nous avons le devoir de mieux parler à la société française, de nous adresser à des cibles de plus en plus larges, et par conséquent de ne pas vendre un seul produit compétitif. Si le handball a toujours disposé d’un noyau énorme, il a fallu optimiser le potentiel de notre sport.
Évidemment, les succès sportifs de nos équipes de France ont nettement participé à l’essor de notre discipline, mais ils n’ont pas été les seuls facteurs. Derrière cette vitrine, la diversification de nos activités s’est construite dans notre arrière-boutique, ce qui nous a permis de passer de 200 000 pratiquants à 500 000…. Les chiffres ne mentent pas, nos offres complémentaires répondent à de réels besoins. Certaines pratiques sont même bien installées, par exemple, nous comptons déjà 30 000 baby handballeurs, et presque 20 000 beach handballeurs.
S.S : L’objectif est donc d’augmenter le potentiel de captation de votre sport ?
P.B : Le handball doit refléter notre société, correspondre à tous les profils. Voilà pourquoi nous considérons qu’il n’y a pas un handball, mais des handballs, à l’intérieur desquels tout un chacun peut trouver son plaisir… Il faut cibler, il suffit d’observer le succès du mini hand que nous avons lancé il y a plus de 10 ans pour toucher les plus jeunes. Cette initiative nous a permis d’attirer près de 150 000 enfants de moins de 12 ans.
Pour être totalement transparent, nous avions un peu abandonné la diversification, avant de remettre le pied à l’étrier il y a trois ans, en développant notamment le babyhand sur des populations encore plus jeunes, les 3-6 ans. Sur ces âges, ce sont normalement les sports comme la gymnastique ou la natation qui se distinguent, or nous avons également su formuler une offre spécifique pour ces touts petits. De plus, animés par la volonté de nous ouvrir davantage au monde scolaire, nous avons travaillé avec le corps enseignant pour lancer très récemment le hand à 4, qui est une variante simplifiée de la discipline. C’est une offre ludique et idéale pour les ados tant elle propose une dimension sociale, dépourvue de compétition.
C’est aussi dans cet esprit d’imaginer un hand pour tous que nous avons intégré le handfit à l’éventail de nos prestations fédérales il y a quelques années. Repousser les limites est crucial, il faut savoir sortir de sa zone de confort, se réinventer, et c’est ce qui nous a conduit à créer dernièrement le beach hand, une déclinaison très estivale qui nous permet de faire la promotion de notre univers sur une période traditionnellement plus creuse.
S.S : Qu’implique l’intégration de ces handballs pour votre fédération ?
P.B : Cette stratégie n’est pas sans conséquence sur les contours de notre système fédéral. En effet, cette diversification poussée nous incite notamment à repenser notre modèle économique. Ne nous trompons pas de combat, en proposant des pratiques alternatives, nous souhaitons avant tout répondre aux demandes évolutives des populations, parmi lesquelles nous observons un besoin de souplesse de plus en plus prononcé. Les pratiquants désirent jouer au hand qu’ils souhaitent, quand ils le veulent.
L’adhésion annuelle classique sous forme de licence ne répond plus totalement aux exigences de la population, nous tendons vers des offres millimétrées, qui s’intègrent dans les emplois du temps de chacun. La population veut être maîtresse de ses décisions, alterner les pratiques à sa guise, alors pourquoi ne pas lui proposer une offre plurielle, dans laquelle elle pourrait s’essayer au beach trois mois, puis enchaîner avec du hand classique par exemple ?
Ces différentes offres n’ont pas été imaginées pour décorer, elles sont les réponses que nous apportons à une société mouvante, qui demande plus de souplesse. C’est le sens de l’histoire et le nier reviendrait à foncer dans le mur.
S.S : Comment créer de nouvelles variantes sportives, sans travestir l’ADN originel de la discipline ? Quelle est la recette ?
P.B : Tout est une histoire de dosage. Il faut savoir trouver le bon équilibre en conservant le socle de la discipline, sans avoir peur de s’éloigner un peu. Le but est de décliner, en gardant les principes de base, voire en les simplifiant. Pour ce faire, il s’agit notamment d’aller au carrefour d’autres sports. Sur le handfit par exemple, nous mêlons handball et fitness à l’aide du matériel de cet univers… Il ne faut pas se priver d’être imaginatif sur ces variantes. Elles nous permettent de décloisonner notre discipline, de la montrer sous un nouveau jour. Notre souhait est de proposer des alternatives ludiques, sociales, simples et faciles d’accès, de façon à ratisser large.
Ainsi, nous ne faisons que sublimer le potentiel en jouant sur certains codes du handball classique. Je pense aux installations sportives ; grâce à ces nouvelles formes de pratique, nous levons le frein à l’accès. Le beach hand permet de jouer rapidement en extérieur à la faveur d’un terrain qui se monte en 10 minutes. De la même façon, avec le monde scolaire, nous travaillons sur des terrains réduits pour le hand à 4 de façon à dispenser plus de cours simultanément.
Autre projet, l’installation de 50 terrains extérieurs avec nos partenaires Caisse d’Épargne et Gerflor. Je ne sais pas si j’ai complètement répondu à votre question, mais disons que le but est de travailler jusqu’aux frontières de notre sport pour optimiser sa captation.
S.S : L’idée est-elle d’attirer ces nouveaux pratiquants vers le handball classique par la suite ?
P.B : Pas spécifiquement. Cette mission de diversification ne vise pas à gonfler les rangs de notre discipline historique, mais plutôt à couvrir les besoins de la population. En tant qu’instance, nous avons un devoir de responsabilité collective, il s’agit de montrer que les bénéfices du handball s’adressent à tous. Évidemment, une partie de ces disciplines s’inscrit dans un marketing de l’offre. Par exemple, le mini hand est la porte d’entrée naturelle qui mène vers le hand à 4, tout comme le beach hand est un appel du pied pour s’essayer au handball classique.
S.S : Cette extension du spectre de vos prestations ne vous fait elle pas craindre une forme de cannibalisation ?
P.B : Absolument pas. Cette stratégie est vouée à enrichir notre offre. Lorsque nous avons lancé le beach hand, certains craignaient que cette alternative ne desserve les intérêts du handball classique, or nous avons observé l’effet inverse. Avec cet éventail de pratiques, le handball s’affiche au contraire de façon plus large. Ce sont des offres supplémentaires, complémentaires et non concurrentielles.