« On s’est organisé pour tabler sur tout type d'événement esport. On a adapté le Stade de France pour accueillir des événements allant d’une à 100 000 personnes. Nous serons des pionniers en Europe. On ne va pas organiser tous les jours des finales à 100 000 personnes. D’ailleurs, sur la grande jauge, il n’y a plus de dates de disponibles en 2022, 2023 et 2024 », déclare Alexandra Boutelier, directeur général du Consortium Stade de France, à News Tank le 02/02/2022.
« Le Stade de France devient Esport Ready », tel est le slogan de la campagne de communication du Consortium Stade de France qui a présenté ses offres et installations dédiées à l’organisation d'événements esport au sein de l’enceinte située à Saint-Denis (en Seine-Saint-Denis), le 18/01/2022. Alexandra Boutelier présente dans cet entretien le nouvel axe stratégique du Stade de France ainsi que ses infrastructures dédiées, entre autres, à l’esport.
« Pour nous convaincre de faire de l’esport un axe majeur de notre stratégie, nous sommes partis aux États-Unis en 2018 pour assister aux finales de la première saison de l’Overwatch League au Barclays Center (salle de New York où évoluent les Brooklyn Nets, NBA). C’était inouï. C’était la preuve par l’exemple : l’esport fait partie des événements de grande envergure parfaitement compatibles avec des infrastructures de la taille du Stade de France », explique Alexandra Boutelier, également président de l’Allianz Riviera - Nice Eco Stadium (Nice, Alpes-Maritimes) et du MMArena (Le Mans, Sarthe).
« Le Stade de France est la maison de l’équipe de France de football, de l’équipe de France de rugby et accueille les plus grandes tournées internationales. Notre modèle économique repose sur ces trois pieds. Toute cette réflexion (sur l’esport) est concomitante aux travaux que l’on a entrepris pour l’accueil de France 2023 et Paris 2024. Nous avons fait en sorte de réconcilier l’ensemble de ces contraintes pour en faire sortir des installations qui répondent à chacune de ces utilisations. La modularité a toujours été la force du Stade de France. Elle l’est désormais encore davantage », indique Alexandra Boutelier qui répond aux questions de News Tank.
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— Stade de France (@StadeFrance) January 18, 2022
Comment s’est passée l’intégration de l’esport dans votre stratégie ?
« On s’est mis en situation de changer de configuration de manière drastique. Nous devions nous adapter rapidement à la diversité des modes d'événements que l’on peut rencontrer dans l’esport. Au départ du projet, nous avions deux options. La première consistait à créer un espace assez rigide, en dur, capable d’accueillir tous types d’événements esport. Nous nous sommes dit que ce n'était pas la bonne solution. D’abord parce que l’esport est un univers qui évolue à la vitesse de la lumière : à partir du moment où l’on aurait terminé la mise en place initiale, elle serait déjà probablement caduque. Ensuite, l’esport n’est pas un milieu ”stabilisé” : la forme des manifestations est incroyablement diverse. L’esport requiert de la souplesse et de la capacité d’adaptation.
Un événement esport peut se dérouler dans plusieurs configurations. On a donc adapté le Stade de France pour accueillir des événements allant d’une à 100 000 personnes. Nous avons voulu le faire de la manière la plus agile et la plus efficace possible pour que les changements de configuration soient rapides et peu coûteux.
Quelles sont ces configurations ?
Nous avons défini des formats. Il y a le format auditorium, que l’on utilise également pour d’autres activités. Il s’agit d’un auditorium ”classique” que l’on a rénové en vue de l’accueil de la Coupe du monde de rugby France 2023 et des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. Cet espace de 320 places, qui comporte un écran géant de 21 m², est une salle modulable. Nous avons fait le choix d’avoir un auditorium ”quasi nu” afin de pouvoir y agréger des configurations complémentaires en fonction des types d'événements. L’idée est que l’on puisse facilement et à moindre coût ”événementialiser” cet auditorium.
Nous avons aussi transformé un espace du stade pour en faire un studio multimodal de 180 m², un espace modulable à souhait pour proposer des contenus digitaux, TV, Twitch, etc.
Nous avons prévu de pouvoir transformer un des salons qui se situe dans le sous-sol du stade, sous le couloir des loges : le Chorum. Ce lieu peut accueillir jusqu'à 1 500 personnes et peut, par exemple, faire office d’aréna pour notre club résident Team Vitality qui pourra ainsi accueillir un public en intérieur. L’espace comprend des aménagements natifs, qui peuvent être événementialisés.
Enfin, le stade lui-même pourra accueillir des événements esport, sous différentes configurations liées à l’utilisation de la pelouse ou au positionnement de la scène (au milieu, sur les deux côtés du stade, etc.). Durant l’été 2021, nous avons aussi changé les deux écrans géants du stade dont la taille a été augmentée de 25 % pour passer à 250 m², soit la superficie d’un terrain de tennis.
Toute cette réflexion est concomitante aux travaux que l’on a entrepris pour l’accueil de France 2023 et Paris 2024. Nous avons fait en sorte de réconcilier l’ensemble de ces contraintes pour en faire sortir des installations qui répondent à chacune de ces utilisations. La modularité a toujours été la force du Stade de France. Elle l’est désormais encore davantage.
Les installations du Stade de France comportaient déjà des espaces réservés pour Team Vitality…
Tout à fait. Les travaux d’aménagements ont débuté en 2019 afin de leur permettre de s’installer dans un espace qui leur est dédié, le « Performance Center ». Il est utilisé par les équipes de Team Vitality pour leurs entraînements, bien qu’ils y aient également disputé des compétitions officielles. Mais les quatre autres espaces cités plus tôt sont ceux qui ont vocation à accueillir du public pour des événements esport.
Ambitionnez-vous de commercialiser des droits de dénomination sur ces nouveaux espaces ?
Oui, cela fait partie de nos pistes de réflexion.
Quand avez-vous commencé les travaux de rénovations de Stade, et pour quel investissement ?
C’est de l’ordre de 2 millions d’euros. Les travaux se sont déroulés entre 2020 et 2021. Nous avons mis à profit la crise sanitaire pour accélérer ces chantiers.
Une des spécificités de l’esport est d’être à la pointe de la technologie en matière de connectivité. Cet aspect a-t-il posé des problèmes dans la conception de ces nouvelles installations ?
Effectivement, nous avons dû nous assurer que la qualité de signal de retour de la fibre soit au bon niveau. Nous avons dû procéder à quelques ajustements. L’infrastructure était prête du point de vue de la qualité du câblage. Le sujet se jouait au niveau du débit fourni par l’opérateur. Par exemple, les exigences en termes de ping (temps de réponse à un signal informatique) pour les équipes de CS : GO de Team Vitality étaient telles que nous avons dû traiter directement avec notre fournisseur pour l’optimiser. On a maintenant une qualité de fibre prête à faire face à tout événement esport !
Quand avez-vous décidé d’intégrer l’esport à votre stratégie ?
Il y a deux éléments de réponse. Le premier est qu’il est de ma responsabilité de réfléchir à la stratégie de long terme et au modèle économique du Stade de France. Comment en faire un endroit à même d’avoir une efficacité économique plus importante et donc de répondre mieux aux attentes des clients de l'événementiel ?
Le Stade de France est la maison de l’équipe de France de football, de l’équipe de France de rugby et accueille les plus grandes tournées internationales. Notre modèle économique repose sur ces trois pieds. Mais il convient toujours de se poser la question : comment diversifier notre modèle économique ? L’esport nous est apparu comme une évidence début 2018.
Le deuxième élément de réponse, est que j’ai une sensibilité personnelle à l’esport. Je suis une ancienne gameuse ! J’ai passé des heures à jouer aux jeux vidéo. Ce milieu me parle. À titre personnel, cela m’amusait d’aller sur l’esport.
Pour nous convaincre de faire de l’esport un axe majeur de notre stratégie, nous sommes partis aux États-Unis en 2018 pour assister aux finales de la première saison de l’Overwatch League au Barclays Center, à New York. C’était inouï. Nous y avons rencontré les représentants de Blizzard. Nous avons assisté à ces deux soirées dans une ambiance délirante, une atmosphère propre à l’esport. C’était la preuve par l’exemple : l’esport fait partie des événements de grande envergure parfaitement compatibles avec des infrastructures de la taille du Stade de France. Par ailleurs, ces événements ne sont pas si nombreux. Ce n’est pas si simple de mettre plusieurs dizaines de milliers de personnes dans un état d’hystérie et de transe. L’âge moyen des publics séduits par l’esport favorise le lâcher-prise. Tout ce qui favorise ce genre de communion collective, ça nous parle, c’est de l’événementiel.
Nous avons donc été convaincus qu’il fallait que nous nous préparions, tout en étant conscients de nos lacunes. Nous nous sommes rapprochés de gens plus spécialisés jusqu’à ce que nous rencontrions Fabien « Neo » Devide (président) et Nicolas Maurer (CEO) du Team Vitality.
L’organisation d’un événement esport est-elle plus contraignante que celle d’autres manifestations ?
Oui, mais l’organisation de tels événements dans un stade est tout à fait possible. Cela s’est déjà fait en Asie. C’est une évidence, un événement esport entraîne des contraintes supplémentaires liées à la météo et à l’excès de soleil. Cela peut poser des problèmes, c’est moins facile, mais c’est parfaitement possible.
Ambitionnez-vous prochainement de réunir 100 000 personnes pour un événement esport au Stade de France ?
On ne s’interdit rien. On s’est organisé pour tabler sur tout : sur des événements de quelques centaines de personnes jusqu’à ceux qui remplissent le stade. On ne va pas organiser tous les jours des finales à 100 000 personnes. D’ailleurs, sur la grande jauge, il n’y a plus de dates de disponibles en 2022, 2023 et 2024. Avant d’accueillir de tels événements, il faut rassurer les éditeurs et les organisateurs sur ce que l’on peut faire en la matière. Nous serons des pionniers en Europe. Nous allons annoncer très bientôt nos deux premiers événements. Notre infrastructure est prête, nous n’avons plus qu’à le démontrer dans les semaines qui viennent.
Vous avez assez fortement communiqué sur votre opération « le Stade de France est Esport Ready ». Comment avez-vous élaboré ce plan de communication ?
L’un de nos défauts est que nous n’osons pas suffisamment nous affirmer en matière de communication. Nous avons l’habitude d’être discrets, mais ce n’est pas toujours une bonne chose. Nous allons essayer de communiquer davantage, de le faire de façon moderne et dynamique. Il y a une prise de conscience générale à ce sujet au sein de l’entreprise. Nous avons pris la décision d’assumer notre campagne autour de l’esport, notamment sur des réseaux populaires et généralistes.
Ces éléments de communications déployés pour l’opération ont été réalisés en interne. Le film a été produit par un prestataire externe, l’agence Bold. Il y a un formidable engouement au sein de la structure Stade de France autour de cette communication. Cette campagne a beaucoup de succès. Les chiffres qui nous remontent des réseaux sociaux sont pour nous extrêmement réconfortants. Nous allons donc continuer.
Vos équipes ont-elles évolué ?
On s’est spécialisé. Il y a une équipe esport, qui ne s’occupe pas uniquement que de l’esport, mais qui a une sensibilité très forte en la matière. Il y a beaucoup de contacts au quotidien avec le Team Vitality, qui est très dynamique sur ces sujets-là. L’une de mes ambitions est d’augmenter les interactions avec eux. Ils ont beaucoup à nous apporter en la matière. Ils sont très bons. On essaie de plus en plus d’interagir, de s’inspirer de ce qu’ils font. Nous arrivons très humblement dans l’esport. »