Sport Stratégies : Aurélie Bresson, qu’est-ce que la fondation Alice Milliat ?
Aurélie Bresson : Créée en 2016, la fondation Alice Milliat est la première fondation dédiée au sport féminin à voir le jour en Europe. Sous l’égide de la fondation du Sport Français, la structure a été lancée pour répondre aux inégalités entre les femmes et les hommes dans le monde du sport. Elle est née de la volonté d’améliorer la médiatisation du sport féminin en France et en Europe, qu’il soit amateur ou professionnel. En effet, si la médiatisation pro- gresse grâce notamment à la création de médias spécialisés, un long chemin reste encore à par- courir pour parvenir à une place plus juste des femmes dans le sport et à ériger des « rôles mo- dèles » pour des millions de jeunes filles. Après avoir mené plusieurs initiatives ponctuelles pour promouvoir le sport féminin sur le territoire national, la fondation s’est donnée pour objectif d’élargir son terrain d’action en s’ouvrant à l’Europe.
S.S : Quel est votre modus operandi ?
A.B. : Notre raison d’être est de capitaliser sur le sym- bole et le combat mené par Alice Milliat en faveur de la défense du sport féminin en Europe. Promouvoir l’engagement d’Alice Milliat, c’est naturellement reconnaitre que le sport féminin a toute sa place dans le mouvement sportif, voilà pourquoi nous ne comptons pas nos efforts pour repérer des initiatives que nous valorisons, accompagnons et finançons à travers des appels à projets ou des mécènes afin de créer une dynamique et fédérer tout un écosystème. À ce jour, nous avons déjà soutenu et labellisé plus de 100 projets dont l’ambition est de faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes dans et par le sport. En parallèle de ces soutiens, nous multiplions les campagnes de communication, et après la tenue d’une exposition, la réalisation d’un kit pédagogique et d’une BD, nous proposons de redécouvrir le destin hors-norme de cette sportive, dirigeante et militante de la place des femmes dans le sport au travers du documentaire « Les Incorrectes », qui sortira dans le courant de cette année. Par ailleurs, nous agissons également de concert avec les collectivités, athlètes et entreprises pour faire progresser la place des femmes dans le sport.
S.S. : Pouvez-vous en dire plus sur les acteurs que vous accompagnez dans cette démarche ?
A.B. : Comme évoqué, le spectre est assez large. Si je prends l’exemple d’une collectivité, nous pouvons l’aiguiller de façon assez complète. Cela va de l’organisation d’actions pédagogiques telles que des expositions, des conférences, des rencontres avec des associations, ou vers la concrétisation d’initiatives plus symboliques, comme le naming d’équipement sportif. À ce sujet, nous avons des discussions avancées avec la mairie de Paris sur le dossier de l’Aréna Porte de La Chapelle qui sortira bientôt de terre. Le Conseil de Paris a voté à l’unanimité que « la ville de Paris étudie la pos- sibilité de nommer le futur équipement pour les Jeux Olympiques et Paralympiques Arena Alice Milliat ». Cela serait une très belle reconnaissance pour celle, qui il y a 100 ans, s’est battue pour permettre aux femmes de faire du sport, de faire de la compétition et de participer aux Jeux Olympiques. À côté, nous travaillons main dans la main avec des entreprises mécènes, im- pliquées dans les enjeux de parité. Je pense à la banque Palatine avec qui nous montons un certain nombre d’opérations commémoratives et de sensibilisation. Autre exemple, nous ac- compagnons des marques, à l’instar de New Balance. La marque nous a sollicité pour porter concrètement les valeurs d’Alice Milliat. Partenaire du Semi Marathon de Marseille-Cassis, New Balance a souhaité former un team de filles à l’occasion de la dernière édition, et chaque kilomètre parcouru par ces athlètes a généré une somme d’argent remise au profit de notre association. En plus de cette enveloppe, l’équipementier s’est joint à notre cause pour lancer un appel à projets intitulé « La conquête de l’espace public par les femmes et par le sport », le 6 janvier der- nier. Actuellement en phase de délibération, nous révélerons les trois projets retenus le 8 mars prochain, à l’occasion de la journée de la femme.
S.S. : Avez-vous la sensation que la place de la femme dans le sport progresse à la bonne allure ?
A.B. : Elle progresse oui ! L’adoption récente de la loi sur la parité dans les instances sportives montre que nous allons dans le bon sens. Dépasser la morale, et l’intégrer dans le cadre législatif est à mon sens une très grande avancée. Nous constatons bien que les enjeux sociétaux liés à la place de la femme sont importants. Ces sujets jadis ignorés font désormais l’objet d’un consensus. Reste à poursuivre cet élan, notamment en insistant sur la visibilité des sportives. Les compétitions doivent être médiatisées de façon ordinaire, et non exceptionnelle… C’est un mouvement de fond et même si l’équilibre reste fragile, j’aime à croire que nous atteindrons une parité naturelle.