« La diplomatie sportive est l’un trois grands axes de ma mission, les deux autres étant la mobilisation du Quai d’Orsay dans le cadre de la préparation des Jeux de Paris 2024 ainsi que l’influence et l’attractivité de la France. Elle repose à la fois, dans le contexte des Jeux, sur la manière de faire vivre cet événement à l'étranger en s’appuyant sur notre réseau diplomatique pour créer une émulation et autour des GESI et leur donner la notoriété qu’ils méritent, mais aussi sur le fait de répondre à toutes les attentes de la part de l'étranger vis-à-vis de la France, y compris en passant par les ambassades pour engager les communautés françaises à l'étranger et les communautés locales », déclare Samuel Ducroquet, ambassadeur pour le Sport, à News Tank le 11/12/2023.
« Je suis dans un rôle de coordination, d’impulsion et de représentation. C’est souvent le propre des ambassadeurs thématiques. Il en existe une douzaine, notamment pour le numérique, les négociations climatiques, la santé mondiale ou encore pour les droits de l’homme. Nous ne disposons pas nécessairement d’une grande équipe ou d’une grande administration sous nos ordres, mais au contraire d’une structure agile », indique le diplomate, nommé ambassadeur pour le Sport le 18/01/2023 pour succéder à Laurence Fischer qui occupait le poste depuis le 01/07/2019.
« Notre diplomatie sportive part du constat que le sport peut répondre à des défis auxquels le monde fait face, qu’ils soient d’ordre sociétal (les questions de violence, d’inclusion, d’accessibilité), d’ordre politique et démocratique (concernant le discrédit des pouvoirs publics et des institutions), mais aussi d’ordre économique (lutte contre la pauvreté, développement). Le sport se présente alors comme un moyen de répondre à ces enjeux et nous avons donc décidé de mettre à disposition les outils du Quai d’Orsay pour justement relever ces défis. Nous ne le faisons pas seuls, car nous nous inscrivons dans un écosystème global. Nous nous entourons d’acteurs et de partenaires (opérateurs, collectivités, fédérations, comités) pour faire vivre cette diplomatie sportive française et in fine, rapprocher la France des pays avec lesquels elle travaille diplomatiquement. »
Rôle et missions de l’ambassadeur pour le Sport, projection du mouvement sportif à l’international, lien avec le MSJOP, French Sport Touch, Coupe du monde de rugby, mobilisation des ambassades lors des GESI : Samuel Ducroquet répond aux questions de News Tank dans un entretien en deux parties dont la seconde, consacrée spécifiquement aux Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, sera publiée le mardi 16/01/2024.
« L’ambassadeur pour le Sport a notamment pour vocation de mettre à disposition le réseau diplomatique français au profit de l’influence française dans le domaine du sport à l’international » (S. Ducroquet)
Quand le poste d’ambassadeur pour le sport a-t-il été créé au sein du ministère des Affaires étrangères ?
Ce poste existe depuis octobre 2013 et n’est donc pas une création de poste directement liée aux Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. Il avait notamment pour vocation de mettre à disposition le réseau diplomatique français au profit de l’influence française dans le domaine du sport à l’international. C'était l’une des ambitions majeures de Laurent Fabius, alors ministre des Affaires étrangères et du Développement international (entre 2012 et 2016), et de Valérie Fourneyron, ministre des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative (entre 2012 et 2014), quand ils ont créé ce poste. Le Quai d’Orsay devait prendre toute sa part dans le rayonnement international du sport français.
À l'époque, et c’est encore le cas aujourd’hui, ce rayonnement international passait par plusieurs choses. Premièrement, par la contribution à la réussite des candidatures aux grands événements sportifs internationaux (GESI) puisque nous sortions de Londres 2012. Après plusieurs échecs, l’enjeu était de briser cette spirale négative. L’organisation de grands événements sportifs a toujours été un fait international majeur. Le Quai d’Orsay, grâce à son réseau et à son expertise en matière de politiques d’influence, pouvait apporter sa pierre à l'édifice.
"Accompagner le dispositif de diplomatie économique dans le domaine du sport "
Deuxièmement, il s’agissait d’accompagner le dispositif de diplomatie économique dans le domaine du sport. En partant du principe que nous avons des entreprises expertes, rompues à l’organisation des plus grands événements sportifs, aux compétitions internationales ou à la fourniture de matériel ou de services, conformément à notre stratégique de diplomatie économique.
"Disposer d’un haut fonctionnaire pouvant faire l’interface entre le Quai d’Orsay et l'écosystème du sport français "
Troisièmement, il avait été jugé primordial d’accompagner plus globalement le rayonnement international de l’écosystème français, de veiller à la présence des français dans les instances, de défendre la francophonie, de veiller aux positions de la France sur les politiques internationales du Sport, etc.
Il s’agissait enfin de disposer d’un haut fonctionnaire pouvant faire l’interface entre le Quai d’Orsay et l'écosystème du sport français. Aujourd’hui, si l’un de ces acteurs souhaite évoquer un enjeu lié au sport et aux relations internationales, il y a un point d’entrée au sein du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.
En quoi consiste précisément votre mission ?
Ma mission s’articule autour de trois grands axes : la mobilisation du Quai d’Orsay dans le cadre de la préparation des Jeux de Paris 2024, la diplomatie sportive, et enfin l’influence et l’attractivité de la France.
"La mobilisation du Quai d’Orsay passe par des enjeux consulaires en lien avec le ministère de l’Intérieur sur le traitement des demandes de visas "
Le premier pilier est d’ordre « conjoncturel » et consiste à s’assurer de la mobilisation du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères dans la préparation des Jeux Olympiques et Paralympiques (Paris 2024) et de la Coupe du monde de rugby (France 2023) qui s’est achevée. La mobilisation du Quai d’Orsay passe notamment par des enjeux consulaires en lien avec le ministère de l’Intérieur sur le traitement des demandes de visas. Le traitement de ces demandes concerne la famille olympique et paralympique qui dispose d’un traitement adapté et privilégié pour les Jeux. A ce dispositif s’ajoutent tous les visiteurs, les familles, les amis, les touristes qui eux aussi voudront venir à Paris pour les Jeux et qui devront, selon les pays d’origine, soumettre des demandes de visas.
Les aspects protocolaires figurent aussi parmi nos priorités, avec la définition du « parcours client » pour reprendre le jargon olympique, des chefs d'État et de gouvernement pendant les Jeux de Paris 2024. Ce travail se fait en lien avec le protocole du COJOP, celui du CIO et celui du Quai d’Orsay. Nous travaillerons d’ailleurs ensemble dans un centre commun pour assurer le suivi de tous ces dignitaires accrédités, qu’ils soient des souverains, des chefs d'État, des chefs de gouvernement, des ministres des Sports ou d’autres ministres susceptibles d'être accrédités. Les chefs d'État et de gouvernement seront spécifiquement suivis par le Cérémonial du Quai d’Orsay. Les ministres des Sports seront plutôt traités par Paris 2024.
Vous avez donc un rôle de coordinateur ?
Effectivement, je suis plutôt dans ce rôle de coordination, d’impulsion et de représentation. C’est souvent le propre des ambassadeurs thématiques. Il en existe une douzaine, notamment pour le numérique, les négociations climatiques, la santé mondiale ou encore pour les droits de l’homme. Nous ne disposons pas nécessairement d’une grande équipe ou d’une grande administration sous nos ordres, mais au contraire d’une structure agile.
Nous nous appuyons sur l’ensemble des directions et services qui disposent de l’expertise technique et des effectifs conséquents pour assurer ces fonctions, comme par exemple la DFAE (Direction des Français à l'étranger et de l’administration consulaire), ou la sous-direction du cérémonial de la direction du Protocole qui a l’habitude de s’occuper des chefs d'État et de gouvernement lors de leurs visites en France.
"Faire en sorte que le centre de crise du Quai d’Orsay prenne toute sa place dans le continuum de sécurité "
En matière de communication internationale, troisième volet de la mobilisation du MEAE dans la perspective des Jeux, nous nous appuyons cette fois-ci sur la direction de la communication et de la presse pour gérer à la fois la coordination interministérielle sur les JOP, mais aussi les interactions avec les médias étrangers, qu’ils soient accrédités ou non. Certains médias étrangers auront la charge de couvrir d’autres choses que les compétitions. Il s’agit là d’une magnifique opportunité pour leur faire découvrir un visage plus moderne, parfois moins attendu et surtout plus positif de la France.
Enfin, le quatrième aspect, c’est la gestion de crise. Il s’agit de faire en sorte que le centre de crise du Quai d’Orsay prenne toute sa place dans le continuum de sécurité prévu par le ministère de l’Intérieur entre le dispositif de l’Etat et le centre principal des opérations de Paris 2024.
En résumé, il est important de pouvoir disposer d’une vue d’ensemble de cette contribution collective, afin de contribuer d’une part aux échanges menés avec les ministères des Sports, des Transports, de l’Intérieur etc. dans le cadre du dispositif interministériel et dans toute la comitologie mise en place par le Délégué interministériel aux JOP (DIJOP), et d’autre part afin de pouvoir en référer auprès du secrétariat général du Quai d’Orsay et au cabinet de la ministre (Catherine Colonna). Il s’agit là premier pilier de notre travail.
Quid des deux autres ?
"Utiliser le sport comme un outil à la fois de développement durable, de rapprochement des peuples, de réponse aux défis sociétaux "
Le deuxième pilier de ma mission est la coopération internationale, que nous appelons « la diplomatie sportive. » Elle repose à la fois, dans le contexte des Jeux, sur la manière de faire vivre cet événement à l'étranger en s’appuyant sur notre réseau diplomatique pour créer une émulation et autour des GESI et leur donner la notoriété qu’ils méritent. Nous devons aussi répondre à toutes les attentes de la part de l'étranger vis-à-vis de la France, y compris en passant par les ambassades pour engager les communautés françaises à l'étranger et les communautés locales.
Notre optique est de créer du lien, de rapprocher via un grand événement sportif international qui passionne et suscite les attentes, et d’utiliser les Jeux comme un vecteur de rapprochement. Le label « Terre de Jeux 2024 » a été créée dans ce sens. Ce label permet aux ambassades d’activer un certain nombre de programmes ou de lancer des projets autour des Jeux, de leur donner une cohérence globale.
Évidemment, outre le fait de donner de la visibilité aux GESI que la France organise, cette diplomatie sportive peut prendre d’autres formes à travers par exemple l’accompagnement des partenariats bilatéraux que Paris 2024 peut signer avec un autre comité d’organisation, que la Ville de Paris en l’espèce peut signer avec d’autres métropoles hôtes des Jeux, etc. Au-delà des Jeux, nous avons un autre volet d’ordre bilatéral ou multilatéral de coopération dans la diplomatie sportive afin d’utiliser le sport comme un outil à la fois de développement durable, de rapprochement des peuples, mais aussi de répondre aux défis sociétaux auxquels nous sommes confrontés.
"L’attractivité économique passe par le soutien aux efforts de la filière sport, aux entreprises françaises qui souhaitent s’exporter à l’international "
Pour résumer notre diplomatie sportive, disons qu’elle part du constat que le sport peut répondre à des défis auxquels le monde fait face, qu’ils soient d’ordre sociétal (les questions de violence, d’inclusion, d’accessibilité), d’ordre politique et démocratique (concernant le discrédit des pouvoirs publics et des institutions), mais aussi d’ordre économique (lutte contre la pauvreté, développement).
Le sport se présente alors comme un moyen de répondre à ces enjeux et nous avons donc décidé de mettre à disposition les outils du Quai d’Orsay pour justement relever ces défis. Nous ne le faisons pas seuls, car nous nous inscrivons dans un écosystème global. Nous nous entourons d’acteurs et de partenaires (opérateurs, collectivités, fédérations, comités) pour faire vivre cette diplomatie sportive française et in fine, rapprocher la France des pays avec lesquels elle travaille diplomatiquement.
Enfin, le troisième axe relève des questions d’influence et d’attractivité. L’attractivité économique passe notamment par le soutien aux efforts de la filière sport, aux entreprises françaises qui souhaitent s’exporter à l’international, mais aussi par la manière d’attirer sur le territoire français des entreprises actives dans le monde du sport qui, dans le cadre ou non des grands événements sportifs internationaux, ont trouvé un intérêt à venir s'établir en France. Le ministre délégué au commerce extérieur, Olivier Becht est particulièrement mobilisé sur ces enjeux.
"Les ambassades appuient le travail d’opérateurs comme Atout France"
Ces questions d’influence et d’attractivité peuvent concerner d’autres domaines, à l’image du soutien au « tourisme sportif ». A titre d’exemple, les ambassades appuient le travail d’opérateurs comme « Atout France » qui contribue à promouvoir des événements tels que la Coupe du monde de Rugby France 2023 et les Jeux Olympiques et Paralympiques à l'étranger. J’aimerais enfin souligner la question de la présence française dans les institutions sportives internationales est évidemment également un enjeu d’influence capital, comme d’autres problématiques importantes telles que la place de la langue française dans les institutions et la présence de Français dans les comités d’organisation, etc.
Le CNOSF a par exemple noué un accord de coopération avec son homologue australien en avril 2023 dans l’optique des Jeux Brisbane 2032. Êtes-vous incontournable dès lors qu’une institution française se projette à l’international dans un cadre comme celui-là ?
"Notre accompagnement passe par notre connaissance des relations avec l'étranger et permet de créer des synergies "
Heureusement, ces institutions sont libres d’agir comme elles l’entendent et de nouer les partenariats qu’elles souhaitent. Néanmoins, il y a plusieurs remarques à faire à ce sujet. La première, c’est que le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères est, il est vrai, de plus en plus incontournable sur ces sujets. Cela ne signifie pas qu’il a vocation à donner des instructions à ces institutions ou qu’il valide ou non les accords internationaux, en tout cas en ce qui concerne le mouvement sportif, mais je dirais que le mouvement sportif sait que nous sommes à sa disposition afin d’accompagner les partenariats ou leurs initiatives à l’étranger. Sur le fond, notre accompagnement passe par notre connaissance des relations avec l'étranger et permet de créer des synergies portant sur les thématiques identifiées dans notre ambassade concernant le pays en question.
En reprenant l’exemple de l’Australie, nous connaissons leur appétence pour tel dossier, pour tel sujet et le contexte politique. Si nous sommes interrogés sur la création de ce partenariat, nous sommes en mesure d’apporter nos commentaires, nos orientations et d'éventuellement enrichir l’accord en faisant le lien avec d’autres projets. Sur la forme, nous sommes dans une logique gagnant-gagnant. Le réseau diplomatique, notre ambassade ou nous-mêmes sommes en mesure de valoriser la signature d’un tel accord sur le plan de la communication, mais aussi sur sa mise en œuvre sur le terrain.
Sur la communication, et pour reprendre l’exemple mentionné dans la question, nous nous félicitons toujours d’un accord puisse être signé entre un acteur français et un acteur australien dans la mesure où nos deux pays souhaitent développer nos liens. A cet égard, nous venons d’adopter une nouvelle feuille de route bilatérale entre la France et l’Australie, et le sport y figure explicitement.
Dans le cadre du déploiement de notre diplomatie sportive, notre objectif est d'être au fait de ces partenariats et des projets à venir afin de pouvoir les valoriser et les intégrer dans quelque chose de plus fort et solide. Les sollicitations de la part des institutions sportives françaises et même internationales se multiplient et c’est plutôt un très bon signe.
Vous avez un rôle particulier en tant que personnalité institutionnelle du sport qui ne dépend pourtant pas du MSJOP. Travaillez-vous vraiment main dans la main avec celui-ci ?
La relation est très fluide et nos liens sont quotidiens avec le ministère des Sports, d’abord à titre bilatéral parce que les cabinets, équipes et services des deux ministères échangent presque quotidiennement pour aborder de nombreux enjeux de dimension internationale. Je pense qu’il y a une vraie nécessité de coopérer, et c’est notre cas aujourd’hui.
"La relation est très fluide et nos liens sont quotidiens avec le ministère des Sports"
Et puis, il y a une coopération qui se fait dans les cadres interministériels également. Nous sommes aux réunions de la DIJOP auxquelles siège également le ministère des Sports. Nous sommes dans les réunions du conseil d’administration de France 2023 et de Paris 2024, comme la ministre des Sports. Tous les acteurs s’efforcent à faire vivre cette coopération.
La ministre des Sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques peut compter sur nous pour accompagner tous les projets de portée internationale que son ministère souhaiterait mettre en place. De notre côté, nous nous insérons à la fois dans le développement de notre diplomatie, sous l’impulsion de la ministre de l’Europe et des Affaires étrangères qui cherche aussi parfois à emmener les autres acteurs du sport dans certaines de ses actions.
La « French Sport Touch » a été lancée officiellement en décembre 2021 pour faire en sorte que le sport français pèse davantage à l’international. Quel bilan peut-on faire de ses deux premières années d’existence ?
La ministre des Sports et des JOP s’est investie très personnellement sur la French Sport Touch qui est cette enceinte de coordination des différents acteurs du sport au profit de l’influence internationale. C’est d’abord une enceinte de partage d’informations, mais aussi d’impulsion de projets. À ce titre, c’est déjà une réussite que de parvenir à mettre autour de la table des acteurs dont les priorités ne sont pas a priori toujours identiques, mais qui en fin de compte œuvrent dans une même logique qui est celle du rayonnement international de la France.
"Une enceinte qui permet à la fois d'évoquer des enjeux de coordination institutionnelle, mais aussi des coopérations très concrètes "
Cette enceinte permet à la fois d'évoquer des enjeux de coordination institutionnelle, mais aussi des coopérations très concrètes. A titre d’exemple, c’est dans ce cadre que Paris 2024 nous fait part des avancées dans sa coopération avec le Sénégal, que les entreprises du GIE France Sport Expertise ou de Business France vont souligner le caractère prioritaire de ce pays dans la perspective des Jeux Olympiques de la Jeunesse, que le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères va souligner le soutien apporté à un tel accord de coopération décentralisée, ou encore que le département de la Seine-Saint-Denis a l’intention de renforcer son développement avec plusieurs collectivités du Sénégal.
C’est ce type d’échange d’information qui est la réussite de cette enceinte parce qu’elle permet de renforcer et de ne pas seulement additionner les initiatives. Elle permet également de les faire se croiser et de les renforcer pour faire en sorte que le maillage soit aussi solide que possible.
Je trouve que c’est une grande réussite et évidemment, ça permet de donner des idées, de fixer des caps, des orientations, y compris sur les pays avec lesquels il est prioritaire d’échanger. Aujourd’hui, ces pays intéressent à la fois nos entreprises, mais aussi nos institutions comme les comités, les fédérations, les ministères.
Quel bilan faites-vous de la Coupe du monde de rugby 2023 au niveau diplomatique ?
En commençant par le plus haut niveau diplomatique, il y a eu un bon niveau de fréquentation de la Coupe du monde de rugby avec une trentaine de dignitaires étrangers environ. Dans le cadre de cet événement, il y a eu des visites à la fois de chefs d'État, de chefs de gouvernement, de ministres, de têtes couronnées qui ont donné lieu à de nombreux entretiens bilatéraux. Par exemple, le président de la République a pu s’entretenir avec le président de l’Uruguay et celui de l’Afrique du Sud. La ministre des Sports a quant à elle eu de nombreux échanges avec ses homologues étrangers.
"Une trentaine de dignitaires étrangers en France pour la Coupe du monde de rugby 2023, avec de nombreux entretiens bilatéraux "
Ensuite, une Coupe du monde de rugby est un moyen fort de drainer une audience internationale dans toutes les catégories de publics. Sur le plan institutionnel, cela se traduit par la venue de représentants de fédérations étrangères et cela donne lieu à des entretiens avec les présidents de fédérations nationales, avec les représentants des comités d’organisation, ou de collectivités. Ces échanges sont particulièrement riches en marge de ces événements et sont essentiels sur le plan diplomatique. Ce sont dans ces échanges que se nouent les partenariats et que les idées germent, mais aussi que nous renforçons les initiatives menées dans nos postes respectifs.
Au préalable, nos ambassades incitent cet écosystème sportif à se rendre en France dans le cadre des grands événements sportifs internationaux. C’est formidable de pouvoir prendre le relais sur le territoire français et de jouer notre partition dans notre pays, en marge des événements mondiaux.
Enfin, deux autres points sur le plan de l'économie. Les représentants des entreprises étrangères en France, qui sont venus par passion, mais aussi par intérêt économique, ont pu être accueillis dans un dispositif comme celui des « Rugby Clubs », une excellente initiative de Business France. Notre ministère s’y est associé et a pu faire des rencontres particulièrement intéressantes sur l’ensemble du territoire, avec des pays ciblés de manière stratégique. Je peux dire que sur le plan de la diplomatie économique, la Coupe du monde de Rugby est une belle réussite.
Enfin, le dernier point est celui de la communication qui est et a été un enjeu fort. Nous avons pu valoriser un certain nombre de choses envers des publics ciblés. Je pense notamment à un programme d’invitation de journalistes du Pacifique qui se sont rendus en France pour suivre la compétition, mais aussi pour discuter, y compris avec moi-même, d’un certain nombre d’enjeux et de sujets hors du domaine du sport.
Dans l’optique de la livraison des Jeux, la question de la couverture médiatique qui est faite d’un grand événement sportif en France s’est posée : comment savoir déceler les éventuelles difficultés et la perception des médias étrangers de l'événement ? Comment y répondre ? Comment corriger éventuellement la perception de ces médias si celle-ci nous semble injustifiée ? Comment apporter des compléments d’information ? Tous ces éléments étaient particulièrement intéressants à suivre pendant la Coupe du monde de rugby.
Les Alpes françaises sont bien parties pour obtenir l’organisation des JOP d’hiver de 2030. Comment appréhendez-vous cette compétition dans un contexte de crise climatique aiguë ?
Nous savons que les dimensions de durabilité et environnementales ont été pleinement prises en considération par la candidature des Alpes françaises 2030, à la fois par les deux comités olympiques et paralympiques mais aussi par les deux régions, avec le soutien de l’État. Cette considération est tout à fait normale puisque c’est la viabilité de cet événement qui est en jeu et c’est un élément majeur à retenir.
"La candidature française pour les Jeux d’hiver 2030 va aussi prendre en considération les évolutions climatiques"
Le deuxième élément est que la candidature de 2030 va prendre en considération aussi les évolutions climatiques et ce dérèglement climatique. Pas seulement pour faire en sorte que la compétition soit la plus respectueuse de l’environnement, mais aussi pour prendre en compte ces changements afin d’adapter les pratiques et les disciplines.
Et puis enfin, il ne faut pas oublier que les prochaines étapes vont se faire dans le cadre d’un dialogue ciblé avec le Comité International Olympique, qui lui aussi est parfaitement au fait de ces enjeux et travaille au quotidien sur le sujet de l’avenir des grands événements sportifs internationaux d’hiver. Le CIO accompagnera cette ambition environnementale.
Comment le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères se mobilise-t-il lors de grands événements sportifs à l'étranger comme les JOP ou la Coupe du monde de football ?
J’ai été précédemment en poste au Qatar et j’ai connu la préparation de la Coupe du monde de football 2022. J'étais par ailleurs en poste à Tokyo lors de la dernière édition des Jeux Olympiques et Paralympiques, et en France pour la Coupe du monde de rugby France 2023. J’ai expérimenté presque tous les cas de figure. Concernant la préparation d’un grand événement sportif à l'étranger, nous procédons en regardant, dans une logique diplomatique, ce qu’on peut apporter au pays hôte. Si c’est un pays ami et partenaire, la pente naturelle va être de voir comment nous pouvons contribuer à la réussite de cet événement. Évidemment, pas seulement pour satisfaire le pays hôte, ce qui est potentiellement en soi déjà une belle réussite, mais aussi pour essayer de positionner les acteurs français, quels qu’ils soient, auprès de ce pays partenaire.
"Il est important pour nous, pour nos ambassades, nos services économiques ou nos opérateurs de valoriser l’expertise de la France "
Ce positionnement peut prendre différentes formes. La plus évidente est celle de la coopération économique et d’accompagnement au positionnement des entreprises françaises et les mettre dans les meilleures conditions pour bénéficier de retombées positives. Ces procédures se font dans le respect des appels d’offres et des codes des marchés publics. Il est important pour nous, pour nos ambassades, nos services économiques ou nos opérateurs de valoriser l’expertise de la France.
Les cadres sont multiples. Cela peut se faire de manière bilatérale, à travers des missions de sensibilisation, mais aussi de manière plus structurée, via par exemple des « Clubs sports » qui ont émergé au Qatar, au Japon, en Chine et récemment au Sénégal. Ces « Clubs sports » rapprochent les entreprises françaises actives dans le domaine de l'économie du sport de ces marchés et leur permet de gagner en visibilité. Ces entreprises peuvent disposer d’une enceinte de communication, d'échange d’informations à la fois avec les services de l’ambassade, la chancellerie politique, le service économique, Business France, et vont ainsi pouvoir se projeter de manière groupée et donc peut-être plus convaincante auprès des autorités locales.
Puis, la coopération bilatérale peut revêtir une dimension institutionnelle à l’instar d’un accompagnement sur les enjeux de sécurité des grands événements sportifs internationaux. Nous pouvons citer l’exemple de l’accompagnement de la gendarmerie française et de la sécurité civile au Qatar, sur la sécurisation des grands événements sportifs, sur la détection d’engins explosifs ou de la lutte anti-drones par exemple. Quand j'étais au Qatar, notre attaché de sécurité intérieure avait travaillé aussi sur la sécurisation des événements sur route, comme les Mondiaux de cyclisme en 2016, pour lesquels la France a une expertise non négligeable avec le Tour de France.
Et plus spécifiquement sur la mobilisation de la communauté française dans les pays hôtes ?
Dans le cadre des grands événements, cela se fait souvent en coopération étroite avec les organisateurs qui veulent faire rayonner leur événement et qui veulent aussi leur donner une dimension internationale. Il faut répondre présent aux sollicitations du pays hôte sur la participation à des « fan zones » et à des festivals internationaux.
"L’ambassade peut contribuer aussi à l’effervescence des grands événements sportifs internationaux "
Cette coopération peut se faire autour du travail des retransmissions d'épreuves et c’est toujours un grand plaisir de voir le rassemblement de la communauté française de l'étranger autour d’un match de l'équipe de France. Si les choses s'étaient passées comme prévu, Tokyo 2020 aurait dû permettre à la communauté française et à tous les supporteurs tricolores présents au Japon de se retrouver au Club France, comme ce fut le cas à Rio 2016 ou à Londres 2012. De mon point de vue, cela reste un grand regret et une grande frustration.
L’ambassade, par son réseau, par sa connaissance des écosystèmes locaux, par son carnet d’adresses, peut contribuer aussi à cette effervescence et ce côté festif des grands événements sportifs internationaux aux côtés d’acteurs tels que le CNOSF et le CPSF pour les Clubs France, et les autorités locales de la ville ou de l'État hôte.