Un entretien avec Nicolas Dupeux, Directeur général de Paris Entertainment Company réalisé par Bertand Pullman
Nicolas Dupeux a commencé sa carrière au sein d’AMC Promotion, organisateur du Mondial de l’Automobile. En 2005, il intègre l’agence conseil en communication Alice Évènements dont il devient directeur général en 2008 et prépare l’intégration de l’agence au sein du groupe GL events suite à son rachat en 2010. Il est chargé de piloter le rapprochement des différentes agences évènementielles du Groupe qui donnera naissance début 2014 à l’agence Live ! by GL events dont il prend la direction générale. En 2015, il rejoint Disneyland Paris en tant que directeur de Disney Business Solutions, entité en charge du Tourisme d’Affaires, des Evènements Spéciaux, du Sport et de la Musique où il développe notamment une stratégie d’évènements propriétaires autour du sport et de la musique. Début 2018, il prend la direction générale de l’Accor Arena. Il est aujourd’hui directeur général de Paris Entertainment Company qui regroupe, outre l’Accor Arena, l’adidas arena et le Bataclan 1. Il est donc un des meilleurs spécialistes des secteurs du sport, de l’entertainement, du loisir et du tourisme.
Nicolas Dupeux a bien voulu accorder un long entretien à L’Innovatoire le 23 mai dernier, dans son bureau de l’Accor Arena. Nos lecteurs peuvent ainsi bénéficier de sa vision des transformations qui affectent les secteurs susmentionnés, ainsi que des enjeux que recèle l’année 2024 marquée au premier chef par les Jeux olympiques et paralympiques de Paris.
L’Innovatoire : Pour commencer, comment pourriez-vous décrire globalement l’activité de votre groupe et votre propre rôle ?
Nicolas Dupeux : Comment décrire notre groupe ? La question est intéressante, et nous y avons beaucoup réfléchi il y a deux ans, lorsque nous nous sommes transformés en sortie de Covid. Aujourd’hui, nous nous définissons comme des créateurs et des exploitants de lieux de vie, construits autour de lieux emblématiques de spectacle et d’entertainment. Nous savons que nous avons changé de métier ces dernières années. Traditionnellement, nous étions des exploitants de salles de spectacle et d’enceintes sportives. J’ai fixé comme ambition que nous passions d’un lieu d’événement à un lieu de vie, c’est-à-dire un endroit qui soit ouvert toute l’année en dehors de sa propre programmation. Aussi, nous avons ouvert un restaurant, un bar, un espace d’after-show, un coworking, etc. Une myriade d’activités font que chacun peut venir, du matin au soir et du soir au matin, même en dehors des spectacles. Et lorsqu’il y a un spectacle, cela augmente l’expérience client : il peut venir plus tôt et rester plus tard, en bénéficiant d’activités. C’est pour cela que nous nous définissons comme des créateurs de lieux de vie autour de lieux de spectacle. Des lieux de vie à Paris, il y en a aussi dans des espaces culturels ou dans des centres commerciaux. Mais nous, notre ADN est de gérer une salle de spectacle. Donc, notre vocation est devenue de créer ces lieux de vie autour de salles de spectacle. Nous le réalisons ici à l’Accor Arena, et nous ambitionnons de le faire de plus en plus autour de l’adidas arena.
Nous tentons même d’aller plus loin. Nous entendons être un vecteur de transformation d’un quartier. Lorsqu’on veut transformer un quartier, on s’aperçoit que peu d’équipements sont susceptibles de le faire : il y a ceux d’éducation (écoles, universités), de commerce (boutiques, centres commerciaux), ainsi que ceux de sport et de loisir. Avec l’adidas arena nous participons activement à la mutation du quartier de la porte de la Chapelle 2. Dans le passé, la porte de la Chapelle n’était qu’un lieu de passage et pas une destination. En ouvrant l’adidas arena, nous créons un flux de plusieurs centaines de milliers de spectateurs. En plus, il y a le campus universitaire Condorcet qui s’est installé à proximité. Avec cela, vous transformez un quartier parce que vous avez 5.000 étudiants qui viennent tous les jours et 120 évènements dans l’année. Ainsi, ce quartier accède à une nouvelle existence. Nous apportons aussi de la sécurisation, car plus il y a d’évènements, plus un site est sécurisé. De la même façon, j’ai retrouvé des photos de Bercy il y a près de 40 ans : il n’y avait rien, pas de bâtiment, simplement des vignes dans le parc. Nous sommes arrivés et avons transformé ce quartier. Aujourd’hui, dans l’esprit collectif de chacun, Bercy c’est l’Accor Arena et le ministère des finances.
Notre cœur de métier est certes d’attirer les plus grands évènements sportifs et musicaux, et cela le restera. Mais il s’agit là de notre métier depuis quarante ans. Aujourd’hui, notre rôle est d’être un acteur intégré et intégrant dans un territoire, un instrument de dynamisation du quartier. En cela, notre activité est passionnante, car nous sommes un acteur majeur de la Cité.
L’Innovatoire : Il est sans doute plus compliqué d’être dans cette optique pour le Bataclan ?
Nicolas Dupeux : C’est plus complexe effectivement parce que, pour devenir un lieu de vie, il faut disposer de mètres carrés. Or, au Bataclan notre surface est surtout bâtimentaire interne. Nous donnons sur un trottoir et notre emprise externe est limitée. A une époque, nous avons étudié la possibilité de reprendre des espaces connexes. Mais cela n’a pas abouti. Nous n’avons donc pas les mètres carrés qui nous permettraient d’avoir des activités.
En même temps, nous avons relancé le Bataclan l’année dernière avec un positionnement autour du rock. En faisant cela, nous avons rendu ce lieu plus ouvert et accessible pour les férus de rock. Le Bataclan est une salle magnifique. Nous l’avons racheté fin 2021. J’ai immédiatement dit : on ne s’interdit aucune question, mais on ne se précipite pas, parce que nous devons respecter la mémoire de ce lieu. Nous nous sommes d’abord demandé s’il fallait changer de nom. Nous avons abouti à la conclusion qu’il convenait de ne pas le faire, car le nom est très fort. Le Bataclan c’est 130 ans d’histoire. Cela a été une salle de cinéma, une salle de spectacle, un théâtre, etc. En outre, nous avons un devoir de mémoire. Il n’est pas question d’effacer le passé. Par contre, nous avons modernisé le lieu, cherché à lui redonner une âme autour du rock, travaillé sur la charte graphique. Nous avons refait la loge artiste qui est hyper typé rock. Nous démarrons prochainement de gros travaux sur le bar pour l’agrandir et le rendre plus fonctionnel. Dans ce type de salles, le bar est un marqueur important : quand tu vas au Bataclan, prendre une bière fait partie de l’expérience. Nous posons une nouvelle enseigne bleue. Nous avons fait évoluer la programmation et poussé la communication autour d’évènements rocks. Ainsi, juste avant Noël, nous avons accueilli au Bataclan un showcase exceptionnel du groupe Green Day, qui a par ailleurs remplit l’Accor Arena mi-juin. Tout cela n’a pas été facile au départ, parce que nous avons tous en tête des images tragiques, et nous ne pouvons et ne voulons pas brusquer les gens qui ont perdu un proche. Notre chance, c’est que les jeunes qui ont dix-huit ans aujourd’hui avaient moins de dix ans en 2015. Ils savent ce qui s’est passé, mais ils n’ont pas vu généralement les images les plus terribles. Ils sont donc moins réticents à venir.
L’Innovatoire : Comment abordez-vous la question de l’innovation ?
Chacun de nos lieux a une couleur spécifique en la matière. À l’Accor Arena, qui a quarante ans cette année, l’audace et l’innovation ont toujours été là. Il y a eu ici une piste de vélo. Edgar Grospiron a fait une descente de ski de bosses à l’intérieur de l’enceinte. Alain Prost et Ayrton Senna y ont fait du karting. Il y a eu des compétitions de planches à voile. Ce côté très innovant a toujours fait partie de l’ADN de la salle. Aujourd’hui, ces grands marqueurs ayant fait l’histoire de l’Arena ne sont plus possibles, pour des raisons notamment environnementales. Nous avons donc réaménagé notre approche de l’innovation, autour de trois axes essentiels : la programmation, la technologie, et l’expérience spectateur.
L’innovation programmatique a consisté à faire venir chez nous les plus grands évènements, afin de continuer à placer Paris au centre de l’échiquier mondial, tout en étant proche des tendances actuelles qui parlent aux nouvelles générations 3. Nous avons fait venir la NBA dès 2020. Elle va revenir l’année prochaine sur deux matchs, avec notamment Victor Wembanyama. Nous avons accueilli des compétions de MMA que nous avons aidé à être légalisé en France. Nous avons abrité la finale mondiale de League of Legends, le plus grand jeu d’eSport qui existe au monde. Nous avons misé sur le développement de l’eSport et nous allons continuer à le faire, car il est impératif de se tourner vers des sports qui correspondent aux nouvelles générations.
Simultanément, nous investissons beaucoup dans l’innovation technologique. Nous avons investi en matière de sécurisation électrique, de rafraichissement d’air, etc. Dans la salle, nous avons un nouvel écran quatre faces, le Cube. A quarante ans, nous sommes aussi modernes que les autres salles. Nous ne pouvons pas changer le bâtiment en tant qu’infrastructure : il a été construit avec les matériaux et les techniques de l’époque. Mais nous pouvons fortement jouer sur les rapports entre le bâtiment et le spectateur.
L’Innovatoire : D’où votre insistance constante sur l’expérience spectateur ?
Nicolas Dupeux : Exactement. Par exemple, nous avons été les premiers à mettre en place en France une technologie américaine en matière de contrôles de sécurité, qui s’appelle Evolve. La sécurité dans une salle de spectacle est quelque chose de très intrusif : on passe sous un portique, on doit ouvrir son sac, etc. C’est désagréable en terme d’expérience spectateur, et en plus c’est très chronophage et pose des problèmes de temps d’accès. La technologie Evolve est un système de portiques invisibles à travers lesquels le spectateur passe en marchant sans s’arrêter. Il arrive sur notre parvis, puis entre dans l’Arena, en étant scanné par des caméras capables de détecter toute masse métallique. Un agent de sécurité un peu en recul vous isole en cas de doute. Grâce à cela nous augmentons très significativement le nombre de spectateurs par heure qui accèdent à l’intérieur. Et surtout, ils marchent en continu sans avoir à s’arrêter. Nous utilisons ce système depuis presque un an, nous avons été bêta-testeur, et cela va être déployé pour les Jeux olympiques.
L’Innovatoire : D’une façon plus globale comment traitez-vous la question de l’expérience client ?
Nicolas Dupeux : L’innovation qui est pour moi la plus importante, sur laquelle j’ai réfléchi et agi dès mon arrivée, est celle qui concerne les parcours et l’expérience client. Nous avons trois types de clients, et donc trois parcours sur lesquels nous travaillons : nous avons le grand public, les BtoB, et les clients grande salle c’est-à-dire les producteurs et organisateurs de spectacles.
Sur le grand public, nous nous sommes attachés à développer les aspects serviciels. C’est ce dont je vous parlais précédemment avec l’exemple de l’amélioration des conditions d’accès. Nous travaillons aussi beaucoup sur comment engager nos partenaires pour qu’ils fassent des activations dans la galerie, afin que le grand public puisse vivre des expériences différentes et nouvelles.
Pour le BtoB, donc les loges et les hospitalités d’entreprises, nous sommes partis d’un constat : aujourd’hui, nous sommes en concurrence, soit avec des institutions du secteur type Parc des Princes ou Roland-Garros, soit avec d’autres offres provenant par exemple de musées ou de théâtres. Le risque est donc que les entreprises nous disent : je prendrais bien une loge chez vous, mais finalement je préfère panacher et acheter un peu de ci et un peu de ça. Il fallait donc réagir, et nous avons créé de nouveaux concepts. Par exemple, nous avons conçu un superbe appartement parisien avec une vue sur la scène. Il fait une cinquantaine de m2, est dans un style Haussmannien (parquet en pointe de Hongrie, salon avec cheminée, moulures, etc.). Il a une terrasse qui donne sur la salle et compte une trentaine de sièges. Il est privatisable par une entreprise. Nous avons aussi construit un Bar caché auquel on accède par membership. Vous avez un code spécial. En un certain lieu, vous l’indiquez à une hôtesse, elle le tape dans un mur, et vous pouvez entrer dans ce bar dissimulé. A ce niveau, nous ne vendons plus seulement de l’hospitalité, mais aussi la possibilité de vivre une expérience. Ainsi, nous créons chaque année un nouveau concept.
Pour les producteurs de spectacles et les organisateurs de manifestations sportives, nous avons cherché à upgrader considérablement la manière de les accueillir. Lors de la rénovation de 2015, cela n’avait pas été suffisamment pris en compte. L’approche était par certains aspects monopolistique, en se disant : de toute façon ils n’ont pas le choix, ce n’est pas la peine de mettre de l’argent dans un dispositif où les gens doivent venir. Aujourd’hui, il y a de la concurrence, nous devons séduire et nous interroger sur ce qui ferait plaisir. Nous avons investi beaucoup d’argent dans la nouvelle loge artiste qui est magnifique. Elle vient reprendre la forme de l’Arena au milieu de l’Arena. Elle a été inaugurée par Rihanna à l’occasion du Gala des Pièces Jaunes. Nous espérons qu’elle va devenir une référence. Nous avons refait tout le parcours de l’artiste, le lieu où il arrive en voiture, son accueil, sa première impression qui restera gravée, le premier kilomètre. Et le dernier kilomètre aussi, la dernière impression qui sera conservée.
L’Innovatoire : Les salons et les sites ne devraient-ils pas développer davantage une telle approche ?
Nicolas Dupeux : Dans un salon le visiteur est tout aussi important que l’exposant ou l’organisateur. Quand vous arrivez dans un endroit, puis que vous en partez, vous allez nécessairement être sensible au fait que l’on vous dise « Bonjour bienvenue » et « Au revoir ». Je suis très attaché à cela. Nous avons donc un système de codes, des enquêtes mystère, un responsable qualité. Il est crucial d’être bien accueilli. C’est hyper important pour les artistes. Par exemple, pour leur arrivée en voiture, nous avons fait un nouveau tunnel décoré par un artiste graffeur 4.
L’Innovatoire : Comment l’innovation se décline-t-elle spécifiquement à l’adidas arena ?
Nicolas Dupeux : Il s’agit d’une innovation liée d’abord au nouveau bâtiment dont nous avons voulu faire une véritable référence environnementale. Nous sommes à la pointe en matière de géothermie. Nous consommons 35 % d’énergie en moins par rapport aux bâtiments équivalents. Nous retraitons les eaux de pluie. Nous avons une centrale de froid qui fournit du froid aux entreprises du quartier. Tous nos sièges sont faits en utilisant des bouchons de plastique recyclés. Pour nous, l’innovation ne doit pas être une expression galvaudée et utopiste. Elle doit s’incarner de façon tangible. Elle se transforme en réalité par la réduction de l’empreinte carbone. En outre, nous avons voulu que cette Arena ait une âme très forte. Nous l’avons positionné autour de l’urbain et du Street. Quand vous arrivez là-bas, vous êtes tout de suite plongé dans une atmosphère d’activités et d’arts de la rue. Pour cela, nous avons travaillé avec des artistes locaux, et nous avons fait de la curation, c’est-à-dire de la sélection et de la mise en valeur : il y a des œuvres artistiques un peu partout. C’est cela aussi l’innovation.
©NickoGuihal
L’Innovatoire : Est-ce que le développement présent et à venir de l’Intelligence Artificielle est pour vous un enjeu important ?
Nicolas Dupeux : Il me semble que l’une des grandes leçons de la pandémie est que l’humain ne peut vivre qu’en communauté. Et vivre en communauté, c’est activer tous ses sens. Notre métier ne sera jamais remplacé par les concerts on line. Parce que si je vous invite à venir voir un concert ici, vous allez sentir le sol qui vibre, ressentir les odeurs, les émotions du public. Depuis le Covid nous avons fait près de 25% de plus de fréquentation, et notre métier fait partie de ceux qui sortent plus fort du Covid. La définition de l’humain c’est de vivre en communauté, et le Covid a démontré cette nécessité 5. En conséquence, je suis plutôt réservé sur l’utilisation de nouvelles technologies lorsqu’elles créent une barrière dans le partage des émotions. Par exemple, je n’ai jamais cru à la formule des concerts dans le métavers.
L’intelligence artificielle se situe sur un autre plan, et son intérêt est plutôt corporate. Il y a un aspect très process en entreprise qui permet d’optimiser des organisations et des fonctionnements. Ce sera de plus en plus utile pour le traitement et l’analyse des données, la compréhension des tendances d’achat, l’accélération des séquences, la diffusion de l’information, etc.. Mais, lorsque le client pousse la porte pour entrer dans la salle, cela doit disparaître. Donc la question délicate est de déterminer à quel moment introduire de l’IA pour qu’elle apporte réellement de la valeur.
L’Innovatoire : Paris Entertainment Company va jouer un rôle important dans l’accueil des Jeux olympiques et paralympiques. Qu’est-ce que cela représente à vos yeux ? Est-ce que cela vous fera acquérir de nouvelles compétences ? D’une façon générale, est-ce que les JOP à Paris seront une occasion pour que la filière évènementielle française rayonne davantage à l’international ?
Nicolas Dupeux : Dans le domaine événementiel au sens large, il existe une French touch qui est reconnue mondialement. Nous avons une capacité à faire des choses qui sont intelligentes au sens où elles répondent à un problème et à un enjeu. Nous ne faisons pas des événements pour faire des événements. Nous les réalisons afin qu’ils viennent servir un message. Et nous travaillons beaucoup plus dans la finesse et l’élégance que les Anglo-saxons. On est davantage dans la dentelle et la haute couture que dans la mass market, et je crois que nous sommes reconnus internationalement pour ça. Là où nous suscitons plus de doutes c’est sur notre capacité à faire des très gros événements au sens industriel. Sur ce plan, les Américains et les Asiatiques sont considérés comme devant nous. Je crois que les Jeux vont permettre de changer cette perception. Nous allons écrire le plus grand évènement mondial. En dehors d’imprévus exogènes sur lesquels nous n’avons aucune maîtrise, terrorisme ou météo, nous allons réaliser des Jeux historiques qui seront comme un concours de créativité. La cérémonie d’ouverture va être absolument magique : la plus belle ville du monde va mettre en scène de la manière la plus créative le plus grand évènement mondial. Je pense que cela va nous donner un positionnement international extrêmement fort. Ces Jeux vont être un transformateur dans l’exportation du savoir-faire français dans le cadre des grands évènements mondiaux, même si beaucoup a déjà été réalisé à cet égard.
En ce qui nous concerne directement, les Jeux contribuent à transformer notre entreprise dans son positionnement et ses métiers. Nous avons signé avec le Comité d’Organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques (COJOP) un contrat EDE c’est-à-dire Event Delivery Entity. Pour des sites comme le nôtre, la vision du COJOP a été de se dire que nul ne connait mieux les lieux que ceux qui les opèrent. En conséquence, il ne s’agit pas pour nous de partir en laissant les clefs de nos Arenas. Nous allons produire les Jeux qui se déroulent chez nous, en nous occupant de l’accueil, la sécurité, la restauration, la technique, la signalétique, la gestion des médias, les volontaires, etc. Nous ferons tout, sauf ce qu’on appelle le field of play (chronométrage, arbitres, etc.), qui relève de l’organisation des Jeux. Grâce aux Jeux, nous avons donc appris un nouveau métier qui est celui de savoir produire. Pour cela j’ai structuré une équipe d’environ trente personnes. Les Jeux sont pour nous un moteur et un accélérateur d’une transformation qui nous fait accéder à une nouvelle dimension. Nous sommes chanceux d’avoir ces Jeux et de les faire à la française.
L’Innovatoire : Est-ce que vous songez à essaimer en province ou à l’étranger ?
Nicolas Dupeux : Nous sommes en train de développer assez fortement un nouvel exercice à l’international qui prend la forme d’une expertise de conseil. Nous accompagnons des collectivités ou des acteurs privés qui ont développé des infrastructures de type Arena ou qui souhaitent le faire. Nous les faisons bénéficier de notre expérience et de notre savoir-faire, en matière de positionnement, définition de modèle économique, storytelling, conception d’hospitalités. Nous n’allons pas jusqu’à l’exploitation des sites ou la prise de participation, parce que notre particularité capitalistique est d’être une société d’économie mixte, mêlant le privé et le public dont la Ville de Paris. Mais une activité de conseil est en train de se structurer.
- Cf. https://parisentertainmentcompany.com/. ↩︎
- NdR : Un aménagement de l’espace ayant une influence comparable, et fortement inspirant, a été opéré à Saint-Ouen avec la construction de Saguez & Partners Manufacture Design (Cf. https://saguez-and-partners.com/lieu-esprit-equipe/), et l’ouverture récente de la Halle Gourmande (Cf. https://www.saintouen-lesdocks.com/le-projet/la-halle/), dans l’ancien site industriel d’Alstom.f ↩︎
- NdR : En 2023, les magazines américains Venues Now et Pollstar, leaders des publications BtoB dans le secteur des lieux de divertissement et de spectacle, ont élu l’Accor Arena à la deuxième place des Arenas dans le monde, juste derrière le Madison Square Garden de New-York. ↩︎
- NdR : Il est frappant de constater que les organisateurs de grands évènements sportifs, comme la Fédération Française de Tennis avec Roland-Garros, ou l’Automobile Club de l’Ouest avec les 24 Heures du Mans, ont développé exactement le même souci d’une très haute qualité d’accueil, tant pour les spectateurs que pour les VIP et les compétiteurs. ↩︎
- NdR : Ces propos entrent en résonnance avec ce que le sociologue Émile Durkheim soulignait en son temps, concernant le rôle de l’effervescence collective dans la régénération du lien social. Il écrivait : « Le seul foyer de chaleur auquel nous puissions nous réchauffer moralement est celui que forme la société de nos semblables ; les seules forces morales dont nous puissions sustenter et accroître les nôtres sont celles que nous prête autrui ». Dans cet esprit, il convient de souligner la profonde richesse humaine et sociétale des salons : ce sont des dispositifs dans le cadre duquel des professionnels, qui sont des concurrents, plutôt que de se faire la guerre et de s’entredéchirer, s’agglomèrent et jouent la carte de l’interaction mutuellement bénéfique. Ce sont des fêtes de la paix et de la prospérité, des plateformes collaboratives, où la synergie des entreprises, des marques, des produits et des services, multiplie les flux, et, en définitive, stimule des marchés. ↩︎
Source : Bertrand Pulman - l'Innovatoire