Publié le 31 mai 2021

[Sport Stratégies] EXTRAIT DU MAG : : « Si nous voulons démocratiser au mieux l’escrime, nous devons absolument proposer une offre attractive »

EXTRAIT DU MAG : « Si nous voulons démocratiser au mieux l’escrime, nous devons absolument proposer une offre attractive »

 

En mission sauvetage, la Fédération Française d’Escrime vient d’annoncer un plan d’aide exceptionnel pour soutenir son écosystème. Interrogé par Sport Stratégies, Bruno Gares, le président de la FFE, évoque les contours et ambitions des moyens mis en oeuvre par l’instance.

 

Sport Stratégies : Bruno Gares, vous avez été élu à la tête de la FFE il y a seulement quelques mois, en pleine période de crise… Quelles sont vos intentions ?

Bruno Gares : Je suis arrivé à la Fédération Française d’Escrime pour donner une nouvelle impulsion à l’instance, et donc un élan vertueux à la pratique, avec la ferme intention d’accompagner au mieux nos clubs dans une perspective de relance post-crise. Sans dé­construire le beau travail mené par Isabelle La­mour et ses équipes, j’ai l’ambition d’offrir une nouvelle dynamique à notre discipline.

Dans mon programme de campagne, j’ai énuméré 30 points sur lesquels nous devrons travailler pour re­dresser la barre. Il s’agit déjà d’être au chevet de notre écosystème très fragilisé par la période de crise et, plus encore, d’apporter des ajustements structurels pour répondre aux différents enjeux qui se présentaient déjà à notre discipline.

Mon objectif sera de mener une politique transversale, pour endiguer la baisse du nombre de licenciés. Pour ce faire, il faudra notamment solutionner les difficultés en matière d’emploi et participer au dé­veloppement des clubs en insistant, entre autres, sur la formation et la communication.

 

S.S : Quelles sont les actions que vous avez mises en place depuis votre prise de fonction en octobre dernier ?

B.G : Comme l’ensemble des fédérations, nous souf­frons bien évidemment de la situation sanitaire et des consignes en vigueur depuis plusieurs mois. Nos prestations étant mises à mal par les restric­tions relatives aux pratiques sportives en indoor, avec 40 000 licenciés contre 52 000 en pré-crise, nous accusons une chute de 24%, ce qui génère un trou de 30% dans notre budget. C’est considérable.

Toutefois, nous, la Fédération, mais aussi les clubs et les bénévoles, ne sommes pas restés les bras croisés. Nous avons su faire preuve d’agilité et d’inventivité pour établir un protocole scrupuleux qui a permis aux jeunes de reprendre l’escrime en extérieur, tout en conser­vant les cours par visio qui ont été mis en place dès le début de la crise. Ce n’est évidemment pas la panacée, mais cela nous permet de col­mater les brèches et de maintenir le lien avec nos pratiquants.

Je tiens d’ailleurs à remercier tous ceux qui, par solidarité, ont continué de souscrire à une licence. Cette période extrêmement diffi­cile limite le champ d’action de nos clubs, leur fidélité est tout à leur honneur, c’est pourquoi il est de notre devoir de faire notre maximum pour encadrer leur pratique, même avec les moyens du bord.

 

S.S : D’autant qu’outre ces aménagements en extérieur et en virtuel, la Fédération vient de débloquer une aide financière substantielle à destination des clubs…

B.G : En effet, le soutien inconditionnel aux clubs était l’une de mes promesses de campagne. Plus précisément, j’avais souligné mon intention de construire un plan sportif fédéral structurant, très orienté sur le développement, lequel serait confir­mé par d’importants moyens financiers. Chose promise, chose due, nous avons officialisé fin avril, le déblocage d’une aide de 1,3 million d’euros, destinée à accompagner les structures les plus fragilisées.

 

S.S : Que prévoit cette enveloppe ?

B.G : Nous avons fait en sorte de ratisser large, et donc d’imaginer le plan d’aide le plus exhaustif possible. Nous consentons à un soutien financier majeur afin que les clubs puissent maintenir leur activité, et surtout leur attractivité. Ces derniers peuvent, dès à présent, bénéficier d’une rétroces­sion de 10 euros de la part fédérale pour toutes licences prises jusqu’au 1er juin 2021. Nous avons bon espoir que cette aide incitative de 370 000 euros permette aux clubs de redresser la barre.

En parallèle, les bénévoles étant le pou­mon de nos clubs, nous avons décidé de leur of­frir la part fédérale pour la saison 2021/2022. ll s’agissait pour nous de témoigner de notre so­lidarité à ce tissu. Nous avons également fait le choix de revoir la tarification de nos licences au cas par cas. En tant que fédération, notre mission est de favoriser l’accessibilité de la pratique, sauf que le tarif unique de 60 euros était un frein à cet idéal.

Ainsi, dans un souci de segmentation, 75 000 euros sont alloués afin de décomposer nos offres de façon pragmatique. Le prix des li­cences Sport-Santé et Handisport ont été fixées à 15 euros, tandis qu’un pass Découverte scolaire fait son apparition à partir de 5 euros pour les garçons et 1 euro pour les filles. Dans le même esprit, nous avons modifié nos prix pour l’escrime ancienne, l’escrime artistique et le sabre laser.

Et puis, au-delà de notre politique agressive en matière de licence, notre plan d’aide comprend prêt fédéral de 663 000 euros, à taux zéro, qui s’adresse à tous les clubs qui se trouvent dans le besoin.

Dernier point, nous avons décidé d’investir massivement sur les services aux clubs. Une ligne de 100 000 euros a été débloquée pour fournir un accompagnement personnalisé, ainsi que des kits de communication, qui seront appuyés par un dispositif évènementiel national dès septembre.

 

S.S :Pouvez-vous en dire plus sur ces deux derniers points ?

B.G : Le soutien financier est un effort conséquent, mais il ne peut se suffire à lui-même. Il doit être pro­longé par un dispositif de communication pour être totalement efficace. Nous avons donc défi­ni un plan à 360°, en envoyant aux clubs, des affiches, flyers et autres goodies de sorte qu’ils puissent valoriser leurs activités.

Cette mécanique de promotion sera ensuite complétée par plu­sieurs opérations terrain après les Jeux de Tokyo. Nos 70 athlètes de l’INSEP iront dans les terri­toires accompagner les clubs et propager la pas­sion de l’escrime au plus grand nombre. Entre séances d’autographes et sessions d’initiation, nos sportifs sauront être de formidables ambas­sadeurs pour notre discipline.

 

S.S : Ces efforts conjoncturels ne risquent-ils pas de vider vos coffres et de mettre à mal vos autres projets de développement ?

B.G : Non, tout a été calculé. Comme évoqué, l’en­semble de ces aménagements, qu’ils portent sur le scolaire, les pratiques alternatives ou le sport-santé, étaient prévus. La situation que connaît notre discipline n’a fait que confirmer notre volonté de nous concentrer sur ces diffé­rents points. La crise est un révélateur, mais elle n’est pas l’unique responsable de notre baisse de licenciés.

Il est donc temps de prendre le taureau par les cornes, et je peux vous garantir qu’il ne s’agit pas de faire un one-shot, mais bien d’amor­cer une refonte chronophage du fonctionnement de notre discipline. Soyez-en sûrs, chacune de nos orientations est prise dans une perspective long termiste.

 

S.S : Doit-on comprendre que la nouvelle grille tarifaire sera permanente ?

B.G : Nous analyserons précisément les résultats de ces aménagements en temps et en heure. Je ne nierai toutefois pas que ces dispositifs ont vocation à s’inscrire de façon pérenne. Je ne vois pas sous quel prétexte nous ferions marche arrière. Est-ce qu’il vaut mieux compter 20 000 nouveaux licen­ciés à 20 euros, ou en perdre parce que le prix de 60 euros constitue un frein ? Si nous voulons démocratiser au mieux l’escrime, nous devons absolument proposer une offre attractive.

 

S.S : Les prix pratiqués n’étaient donc pas suffisamment attractifs ?

À mon sens, afficher un prix unique n’était pas pertinent. Notre catalogue comprend différents types de licences, adaptées aux spécificités de chaque profil de pratiquant. Mais est-ce logique de fixer un prix commun à toutes nos licences ? Je ne pense pas qu’il soit justifié qu’une personne en rémission de cancer ait à s’acquitter de 60 euros pour pratiquer du sport dans un but médi­cal.

De la même manière, il me semble malvenu d’exiger un tel montant à un(e) retraité(e) qui sou­haite pratiquer l’escrime ponctuellement en loisir. Il faut être raisonnable, et définir le juste prix pour attirer. Au-delà du montant, les modalités de souscription étaient en décalage avec la réalité du marché. Prenons l’exemple d’un enfant qui souhaite s’inscrire en mars à l’escrime.

Nous ne pouvons demander 60 euros à cette période de la saison, tandis que si nous le faisons patienter jusqu’à la rentrée, il risque de se diriger vers un autre sport. Il faut proposer des offres adaptées, presque individualisées, et temporalisées, d’où la création d’une licence spécifique aux enfants qui ont participé à cinq séances d’initiation à l’école.

 

S.S : Quels sont les prochains temps forts de la Fédération ?

B.G : Ce plan d’aide est déjà un gros morceau qui va nous permettre d’amorcer nos projets long termistes en accompagnant les clubs sur le sco­laire, et en accélérant sur le sport-santé. Dans le cadre de notre plan sportif fédéral, nous avons également l’ambition de mettre en place une dy­namique territoriale pour les jeunes, de sorte que les enfants de 7 à 12 ans puissent participer à des plateaux sportifs départementaux et régio­naux.

Si l’escrime veut progresser auprès des jeunes, elle doit aussi décloisonner les limites de ses compétitions. Outre les réformes opération­nelles, nous allons poursuivre notre mue interne. Dès la fin des Jeux de Tokyo, des entraîneurs connus et reconnus rejoindront nos Équipes de France, et nous capitaliserons sur leur image pour promouvoir davantage notre sport.

En parallèle, nous allons continuer de moderniser notre fonc­tionnement. Nous allons accélérer notre transition numérique, qui se traduira notamment par la mise à disposition de l’application MyCoach à desti­nation de tous les clubs, et ce, dès la rentrée de septembre.

 


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