Matthieu, vous êtes Directeur de United Heroes, une startup qui s'emploie à faire vivre aux collaborateurs des expériences sportives connectées au sein des entreprises. Pouvez-vous nous en dire plus ? Qu'est ce qui a motivé la naissance de United Heroes ?
C’est une belle histoire. En avril 2015, Sport Heroes créait la première course connectée avec UNICEF. Les résultats furent si spectaculaires qu’UNICEF décida d’en organiser une autre quelques mois après. L’écho recueilli dans les media fut important. Pas moins de 80 articles, dans le monde entier. Très vite, des entreprises ont commencé à nous solliciter. D’abord à l’étranger, aux Etats-Unis ou encore en Australie : elles souhaitaient organiser la même chose en interne, pour leurs collaborateurs. Puis se fut au tour de la France. L’idée faisait son chemin. Pendant plus d’un an nous avons répondu ainsi aux demandes, en construisant des Expériences Sportives Connectées aux quatre coins du monde.
Suite à la levée récente, il nous a paru souhaitable de structurer l’offre et de créer une marque distincte, plus lisible pour les entreprises et les différents départements auxquels nous nous adressons.
Vous avez réalisé une étude qui démontre bien l'importance accordée par les collaborateurs à la pratique du sport en entreprise. Pouvez-vous revenir sur votre démarche et les objectifs de cette étude ?
L’objectif est double :
- Nous intéresser aux usages des collaborateurs pour créer des expériences sportives qui répondent à leurs attentes.
- Faire à notre modeste échelle une sorte d’état des lieux sur un sujet sur lequel il existe finalement peu d’études. Cette étude marque le point de départ d’un travail initié par l’équipe « Data Storytelling » d’Amélie Deloffre, qui vise à produire, articuler et valoriser les datas considérables dont nous disposons.
SPORSORA a publié en avril 2015 un ouvrage baptisé "Sport et entreprise : quelles réponses aux enjeux de ressources humaines ?". Précisément, quelles réponses souhaitez-vous apporter aux enjeux du sport en entreprise ?
Plusieurs acteurs ont participé de façon significative à la promotion du sport en entreprise. Le MEDEF avec l’étude Goodwill a démontré ses vertus d’un point de vue strictement financier (plus de croissance, moins de dépenses). A ces arguments solides, mais relativement théoriques, SPORSORA a dressé un ensemble de bonnes pratiques, nécessaire pour toutes les entreprises désireuses de s’engager, mais dénuées d’expériences. Notre approche s’inscrit dans cette démarche pragmatique et repose sur 3 axes :
- Créer des expériences sportives accessibles : les entreprises ont la chance unique de pouvoir capitaliser sur toutes les applications et objets connectés de leurs employés pour proposer des expériences auxquels tous peuvent d’emblée participer. Nous leur permettons de le faire.
- Mettre du jeu et du sens dans le sport : on ne doit pas courir pour être en bonne santé, mais parce que c’est agréable, parce que c’est drôle de rivaliser avec les autres sites, départements ou pays au sein de l’entreprise, parce qu’on le fait pour soutenir une bonne cause. Nos plateformes servent à raconter des histoires, à créer des expériences ludiques et sociales au travers du sport.
- Engager les collaborateurs à grande échelle : en tant qu’éditeur de logiciel, notre métier consiste à permettre aux entreprises de toucher l’ensemble de leurs collaborateurs, où qu’ils soient dans le monde. D’un coup, toutes les frontières volent en éclat, tout le monde peut participer, marcher, courir, pédaler, toute l’année, sans coût additionnel. D’un coup, un programme sportif à l’année devient possible, qui est aussi un vecteur de communication interne et un asset pour la marque employeur.
Avec le recul que vous avez sur cette thématique, quels sont selon vous les trois principaux objectifs que souhaitent atteindre les entreprises lorsqu'elles décident de stimuler la pratique du sport ? Vous avez dressé un parallèle entre pratiques anglaises et pratiques françaises. Quelles sont les principales causes des disparités et différences de pratique ?
Il faut bien distinguer les aspirations des collaborateurs, des objectifs des décideurs. Nous avons vocation à réconcilier les deux, à faire en sorte que les décideurs proactifs sur le sujet puissent mettre en place des programmes pertinents, qui marchent auprès des collaborateurs.
Ensuite, quand on regarde les chiffres de plus prêt, les disparités de pratiques entre la France et l’Angleterre ne sont pas si fortes que cela : les sujets sont les mêmes, ils n’apparaissent simplement pas dans le même ordre. Il en va de même pour les décideurs : en Angleterre, le sport en entreprise est un sujet avant tout RH, qui est abordé en lien avec le bien-être au travail. Ensuite seulement il est considéré comme un outil pour soutenir les actions RSE et éventuellement un levier de communication interne. En France, il existe bien ici et là des responsables du bien-être, voire même du « bonheur au travail » qui investissent dans le sport à l’année. Mais globalement, tout se passe comme si le sport était encore un sujet événementiel : pour engager quelques collaborateurs dans une course ou encore faire du team-building. Le sujet est paradoxalement investi par la communication interne et les responsables RSE, avant même d’être traité par les RH. C’est probablement une question de maturité.
Votre étude estime à 61 % la part des employeurs ayant adopté des mesures spécifiques pour encourager la pratique du sport en entreprise. Mais elle dit aussi que ces initiatives sont prises essentiellement au sein de très grandes entreprises. Quelles sont vos recommandations pour des PME voire TPE qui souhaiteraient s'y mettre à leur tour mais estiment pour l'instant ces engagements trop coûteux ou chronophages ?
C’est une excellente question. Tout d’abord l’objection concernant « l’engagement trop chronophage » n’est pas plus recevable pour les grandes entreprises que pour les petites. J’ai été entrepreneur presque toute ma vie : le sport aide à être plus productif, et pas l’inverse. Et l’impact s’en ressent, surtout dans des TPE. Ensuite l’objection qui porte sur le coût est réelle. Je vois deux options :
- tirer parti du tissu association local. De nombreux clubs existent, qui sont désireux de mettre à disposition, à des coûts souvent intéressant, des coachs pour les collaborateurs désireux d’avoir une pratique sportive régulière.
- se doter d’applications permettant aux collaborateurs d’avoir une pratique en groupes, à différentes échelles au sein de l’entreprise. Ces applications SaaS doivent être simples d’accès, et accessibles en terme de coût. C’est l’un de nos sujets de réflexion pour oeuvrer à la démocratisation du sport en entreprise.
Avez-vous d'ores et déjà des exemples d'entreprises dans lesquelles l'organisation de challenges sportifs a porté ses fruits ?
L’organisation d’Expériences Sportives Connectées a plusieurs finalités : valoriser les politiques RSE, relayer des actions de communication interne et soutenir les politiques en faveur du bien-être.
Les premiers succès furent pour les départements RSE : Sciex aux Etats-Unis, ou encore Suncorp en Australie furent autant de projets réussis à cet égard.
Maintenant nous voyons apparaître des programmes vraiment intéressant qui touchent une telle proportion de collaborateurs (45 à 65% de taux de participation), qu’ils deviennent structurant pour les entreprises, tant en terme de communication interne que pour les RH. C’est le cas de Naturex notamment, qui propose ces Expériences à l’année à ses 1 700 collaborateurs.
Nous sommes actuellement en train de concevoir avec Amélie Deloffre des études d’impact avancées permettant à nos clients de cerner aussi précisément que possible la satisfaction de leurs collaborateurs, et les externalités positives de ces programmes sportifs à l’échelle de l’entreprise. Ces études sont cruciales pour permettre aux entreprises d’améliorer leurs programmes et de les articuler à une stratégie business plus globale.
Pour terminer, pouvez-vous résumer en quelques mots le regard que porte United Heroes sur le sport en entreprise ? Quelle vision en avez-vous ? Qu'est-ce qui manque à la France pour être plus performante en la matière ?
Nous sommes encore en France dans une éthique de conviction : à essayer de promouvoir le sport parce que le sport c’est bon pour la santé des collaborateurs et la croissance des entreprises.
Notre vision est différente : pour être largement adopté au sein des entreprises, le sport doit redevenir une expérience ludique et sociale. Il doit également permettre aux collaborateurs d’écrire ensemble une histoire en lien avec leur entreprise. Une histoire qui parle de changement ou de progrès, au travers de laquelle les collaborateurs peu à peu apprennent eux-aussi à changer : parce qu’ils pratiquent à nouveau une activité physique ou re-découvrent leurs équipes.
Inspirer tout en s’amusant, c’est la promesse que nous faisons aux entreprises et à leurs collaborateurs. Les taux de participation inédits que nos clients atteignent nous montrent que nous sommes sur la bonne voie.