Publié le 12 juin 2020

[Lettre du Naming] COVID-19 : COUP DE FREIN POUR LE NAMING EN FRANCE ?

Christophe Lepetit, Responsable des études économiques et des partenariats, CDES, vous propose une analyse de l'impact de la crise sanitaire de Covid-19 sur le marché du naming en France.

La crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19 a profondément ralenti l’ensemble des économies mondiales, mettant bon nombre d’activités à l’arrêt pendant plusieurs semaines, parmi lesquelles toutes les activités de la filière sportive, que ce soit le sport professionnel ou le sport amateur. Les crises économique et social qui vont immanquablement suivre risquent malheureusement avoir de profondes répercussions et fragiliser les modèles économiques de nombreux acteurs.

Dans cette conjoncture très dégradée on peut donc se demander si le marché du naming sera impacté dans les semaines et les mois à venir. Il est très difficile d’apporter, à ce stade, une réponse définitive à cette question. Avant toute chose, on ne peut évidemment que regretter que cette crise survienne au moment même où le marché du naming français, après avoir mis du temps à décoller, commençait à se consolider. Nous avions en effet souligné tout le dynamisme affiché par le marché au court de la saison 2018/2019 avec notamment :

  • Cinq nouveaux contrats de naming, une opération de renaming et une prolongation de contrat pour les compétitions sportives.
  • L’engouement autour des opérations de naming des centres d’entraînement avec une douzaine de contrats au total dont quatre nouveaux deals signés sur la saison.
  • Ainsi que quelques projets de naming d’enceintes sportives (Stade Jean Bouin à Paris, Stade René Gaillard à Niort) et des renégociations en cours (Groupama Stadium notamment).

La saison 2019/2020 s’annonçait de son côté certes moins dense en termes de nouveaux marchés – on notera tout de même le renaming de la Ligue 2 passant de Dominos à BKT – mais avait laissé entrevoir quelques beaux projets parmi lesquels celui du stade Pierre Mauroy (Lille), pour lequel la Métropole Européenne de Lille était en recherche active, ou celui, plus lointain, du Parc des Princes, pour lequel le PSG avait entamé des recherches.

Faut-il s’attendre à un coup de frein important et à un net ralentissement du marché ?

Pour répondre à cette question, il nous semble nécessaire de nous placer du côté des souscripteurs des contrats de naming : les annonceurs. S’il est encore trop tôt pour avoir une appréciation définitive, il est à craindre que ces derniers, plus ou moins fortement impactés dans leurs activités core-business, réduisent leurs engagements de façon plus ou moins significative. Ainsi d’après une étude réalisée par l’Union Sport&Cycle[1] en début de crise auprès de ses adhérents, 60% des entreprises sponsors du sport indiquent qu’elles ne seront pas en mesure de poursuivre leurs engagements la saison prochaine et 27% qu’elles les réduiront. Dans le même ordre d’idée, certaines ligues professionnelles semblent tabler sur une réduction de l’ordre de 30% du sponsoring sportif pour la saison prochaine. Les secteurs particulièrement friands en matière de naming (compagnies aériennes, secteur automobile, restauration) pourraient ainsi être conduits à réduire significativement leurs engagements et à recentrer ceux qu’ils maintiendront vers les « actifs » les plus visibles.

Dès lors, le marché du naming ne nous semble pas devoir être épargné. Si les contrats signés, en particulier les accords pluriannuels, devraient pouvoir être honorés (sauf sortie unilatérale d’un annonceur), on peut très probablement craindre, a minima, un triple effet négatif :

  • D’une part, un ralentissement dans la signature de nouveaux contrats ou l’arrêt de négociations en cours pour le renouvellement de contrats actuels. Dans le paysage du naming, les projets concernant les enceintes sportives, particulièrement engageants en termes de volumes financiers et/ou de durée de contrats, pourraient ainsi être totalement remis en cause.
  • D’autre part, si les négociations devaient aller à leur terme, une réduction des durées d’engagement et/ou des montants négociés. Dans un monde pavé d’incertitude quant aux perspectives de reprise du spectacle sportif et une économie en forte récession, on peut en effet douter d’un maintien des conditions de négociation à leur niveau d’avant crise.
  • Enfin, certains acteurs très investis dans le naming pourraient purement et simplement stopper leur engagement. On peut ici penser aux annonceurs présents dans le naming d’équipes sportives comme par exemple dans le cyclisme ou dans la voile. Si le Tour de France venait à être annulé – même si ce n’est pas la tendance et que pour le moment il a simplement été reporté à l’automne – cela aurait d’énormes répercussions sur les sponsors des équipes cyclistes. Pour Marc Madiot, célèbre Manager de l’équipe cycliste Groupama-FDJ, l’annulation de l’épreuve reine du cyclisme mondial pourrait ainsi aller jusqu’à la disparition de certaines équipes du fait de désengagement de sponsors attirés par la Grande Boucle.

La prochaine réunion de l’Observatoire du naming Sporsora nous permettra très certainement d’affiner ces analyses, en les confirmant ou en les invalidant, mais aussi de récolter l’avis des principaux acteurs – annonceurs et ayants droits – sur leur propre perception des enjeux et de l’évolution du marché.

 Source :

[1] https://www.unionsportcycle.com/fr/les-actualites/2020-04-01/plus-de-3-mds-de-perte-de-chiffre-d-affaires-pour-nos-entreprises

 

Par Christophe Lepetit, Responsable des études économiques et des partenariats, Centre de Droit et d'Économie du Sport (CDES).