Publié le 01 avril 2020

[News Tank Sport]« Reporter Roland-Garros relevait de notre responsabilité » (J.F Vilotte, FFT)

« On a pris cette décision (report du Tournoi de tennis de Roland-Garros) parce qu’on a estimé qu’en période crise, si la gouvernance internationale, trop éclatée, ne pouvait décider vite, il nous appartenait de prendre nos responsabilités. Nous aurions été coupables de ne pas le faire », déclare Jean-François Vilotte, directeur général de la FFT, à News Tank, le 27/03/2020.

A cause de la crise sanitaire liée au Covid-19, la Fédération Française de Tennis a pris la décision, le 17/03/2020, de reporter l’édition 2020 de Roland-Garros, prévue du 24/05 au 07/06/2020 à la période allant du 20/09 au 04/10/2020.

« Nous ne pouvions pas raisonnablement maintenir cet événement sans mettre en danger les différentes parties prenantes. C’est le motif principal qui sous-tend notre décision, une décision que l’on ne pouvait pas différer. Nous ne pouvions pas jouer Roland-Garros aux dates prévues et nous souhaitions le sauver en le repositionnant. Nous avons donc retenu la quinzaine avec le moins d’impact, en solidarité avec l’ensemble du circuit : il n’y a aucun Grand Chelem , aucun ATP Masters 1000, aucun WTA Mandatory de prévu sur la période allant du 20/09 au 04/10/2020. Ce report est aussi un geste en direction de la communauté des joueuses et joueurs, une communauté qui souffre financièrement avec la suspension des circuits. Or, Roland-Garros redistribue un prize money de l’ordre de 45 M€. Il s’agit enfin, pour la population des fans, en France et à travers le monde, d’un signal d’espoir », explique le dirigeant.

« On répond aux urgences successives : l’urgence sanitaire d’abord, puis l’urgence sportive et événementielle. Ensuite, on se penchera sur l’urgence financière vis-à-vis de l’ensemble de l’écosystème tennis lorsqu’il s’agira de soutenir les mécanismes de redémarrage », poursuit-il.

« On a informé, sur notre site, les ligues et les clubs, des dispositifs RH existants mis en place par le gouvernement et on a ouvert un e-mail spécifique pour répondre aux questions de notre écosystème. A chaque fois que la question revêtait de l’intérêt général, on a publié la réponse apportée sur le site », ajoute Jean-François Vilotte qui répond aux questions de News Tank.

Comment s’organisent la FFT et ses salariés face aux directives de l'État destinées à endiguer la propagation du coronavirus ? 

La condition du personnel de la FFT varie selon la nature de leurs missions. L’immense majorité d’entre eux est en télétravail avec des moyens informatiques adaptés. Cependant, certaines missions, par nature, ne peuvent se dérouler à distance. Les personnes qui en ont la charge sont donc au chômage partiel et nous nous assurons qu’elles n’en soient pas pénalisées financièrement. Pour d’autres, qui ne peuvent pas assurer la garde de leurs enfants et leur emploi à distance, nous les avons placés en congés maladie comme le dispositif de l’État le permet. Il ne reste que quelques employés dévolus à la sécurité sur le site de Roland-Garros, lesquels prennent toutes les précautions nécessaires. Enfin, en ce qui me concerne, j’assure, avec Christophe Fagniez, directeur général délégué, en lien constant avec le président Bernard Giudicelli, le trésorier général et le secrétaire général, une présence sur site au siège pour coordonner l’activité de la FFT.

La Fédération Française de Rugby a annoncé le déblocage potentiel de 35 M€ pour aider les clubs. Où en sont les pistes de réflexion de la FFT pour aider ses clubs ? Que leur avez-vous conseillé pour faire face à cette crise ?

Dès le week-end (du 14/03/2020) où les rassemblements ont été interdits, on a communiqué auprès des clubs avec comme priorité l’urgence sanitaire, la protection des usagers et du personnel des clubs. On leur a demandé d’en tirer les conséquences et de fermer. On a nous-même fermé les centres d’entraînement. On a relayé les messages de prévention. On a ensuite informé, sur notre site, les ligues et les clubs, des dispositifs RH existants mis en place par le gouvernement et on a ouvert un e-mail spécifique pour répondre aux questions de notre écosystème. A chaque fois que la question revêtait de l’intérêt général, on a publié la réponse apportée sur le site. On a aussi relayé le mieux possible les informations spécifiques à destination des clubs employeurs, des enseignants, qui peuvent être des travailleurs indépendants.

Nous sommes très attentifs à la situation des clubs. Aujourd’hui, si leur personnel est au chômage partiel, l’État les prend en charge, mais, on sait, que par la suite, la crise aura d’autres conséquences sur leur activité. Le moment venu, le comité exécutif de la FFT mettra en place des dispositifs adaptés. Nous y travaillons, nous le ferons, mais on a besoin de visibilité des Pouvoirs publics sur les dispositifs qui seront mis en place pour agir en complémentarité . 

On répond ainsi aux urgences successives : l’urgence sanitaire d’abord, puis l’urgence sportive et événementielle (report de Roland-Garros). Ensuite, on se penchera sur l’urgence financière vis-à-vis de l’ensemble de l’écosystème tennis lorsqu’il s’agira de soutenir les mécanismes de redémarrage. 

Les Jeux Olympiques et paralympiques de Tokyo 2020 sont reportés à l’été 2021 (du 23/07 au 08/08/2021). Comment avez-vous réagi à ce report ?

Je pense que le CIO a agi avec le même sens des responsabilités que nous pour Roland-Garros, en constatant que les conditions nécessaires à la tenue d’une fête sportive mondiale, aux dates prévues, n’étaient pas réunies. Au moment de sa décision, le CIO a immédiatement décidé de reporter la compétition et de la décaler d’un an, le tout en lien avec les autorités japonaises.

On retrouve là le processus du choix ayant abouti au report de Roland-Garros ? Était-ce la seule alternative possible ? 

Notre constat est qu’il était, compte tenu des conditions de confinement, impossible de préparer l’événement dans de bonnes conditions, sans exposer la santé des salariés fédéraux,  des entreprises et prestataires impliqués dans son organisation. Personne n’a de boule de cristal pour anticiper la situation sanitaire à fin mai 2020, mais ce n’était pas le sujet. La préparation du tournoi avait débuté : travaux sur le court Philippe-Chatrier et notamment réglage du toit, salariés impliqués et premiers CDD en train d’arriver. Nous ne pouvions alors pas raisonnablement maintenir cet événement sans mettre en danger les différentes parties prenantes. C’est le motif principal qui sous-tend notre décision, une décision que l’on ne pouvait pas différer. Il en allait ainsi de notre responsabilité et de nos valeurs. Nous ne pouvions pas transiger. Le huis clos n’était pas non plus une option, car il suppose aussi une organisation importante.

Nous avons appris l’annulation, qualifiée de suspension, des tournois disputés sur terre battue. Or, nous sommes le premier Grand Chelem qui se profilait et la gouvernance internationale du tennis ne se préoccupait pas vraiment de notre situation. Nous ne pouvions pas jouer Roland-Garros aux dates prévues et nous souhaitions le sauver en le repositionnant. Nous avons donc retenu la quinzaine avec le moins d’impact, en solidarité avec l’ensemble du circuit : il n’y a aucun Grand Chelem, aucun ATP Masters 1000, aucun WTA Mandatory de prévu sur la période allant du 20/09 au 04/10/2020. 

Ce report est aussi un geste en direction de la communauté des joueuses et joueurs, une communauté qui souffre financièrement avec la suspension des circuits. Or, Roland-Garros redistribue un prize money de l’ordre de 45 millions d’euros. Il s’agit enfin, pour la population des fans, en France et à travers le monde, d’un signal d’espoir .

Nous ne sommes pas une organisation à but lucratif : nous redéployons toutes les marges du tournoi en faveur du développement du tennis amateur dans les territoires et des tournois professionnels en France. Roland-Garros est un des événements majeurs du tennis mondial, qui a un effet d’entraînement mondial fondamental pour la discipline, et c’est aussi le poumon économique du tennis en France. Nous avons aussi vis-à-vis de l’écosystème du tennis une responsabilité particulière. Le cercle vertueux de cette maison est de tout redistribuer au tennis amateur. Si on veut être au rendez-vous de la reprise de l’activité tennistique, il faut s’en donner les moyens. 

Que répondez-vous au monde du tennis qui vous reproche d’avoir pris une décision unilatérale ? Risquez-vous ainsi des sanctions de la part des instances internationales ? 

On a pris cette décision parce qu’on a estimé qu’en période crise, si la gouvernance internationale, trop éclatée, ne pouvait décider vite, il nous appartenait de prendre nos responsabilités. Nous aurions été coupables de ne pas le faire. On est persuadé que, quand on a le temps de fournir des explications, vient ensuite le temps de la compréhension, notamment de la part des joueurs. Les jugements nous sont d’ailleurs plus favorables maintenant. Nous prenons langue bien sûr avec les instances internationales du tennis à qui nous avons expliqué notre situation. On est dans une phase de dialogue et de concertation, mais il faut garder à l’esprit que les tournois du Grand Chelem sont fondamentaux pour l’économie du tennis mondial. Ces tournois se concertent et dialoguent avec les instances, mais restent maîtres et indépendants de leurs dates.

Avec ce report, allez-vous devoir payer des pénalités envers vos diffuseurs ou sponsors ?  

Quand on modifie les dates d’une compétition, on génère évidemment des surcoûts d’organisation. Mais pour toutes les raisons que je viens d'évoquer, une responsabilité forte nous incombait vis-à-vis de tout l’écosystème. 

Il y a eu évidemment des échanges en amont avec nos parties prenantes et partenaires. Il peut y avoir des difficultés pour nos diffuseurs à l’étranger, car le tennis n’est pas le seul sport à composer leur grille, mais nous avons été confortés par le soutien et la compréhension dont ils ont fait preuve. Nous sommes fiers que notre relation ait aussi bien résisté à cette crise. Les coûts d’organisation sont de la responsabilité de la FFT et nous ferons le nécessaire pour que le tournoi puisse se jouer dans de belles conditions.

 

Un article News Tank Sport