La décision du tribunal de commerce de Grenoble qui, vendredi 28 avril 2023, a opté pour l'offre de reprise de Go Sport par Intersport France, a contenté les salariés de l'enseigne d'articles de sport. Ceux-ci, jusqu'alors sous la coupe du groupe de Michel Ohayon, craignaient voir Go Sport finir en liquidation “comme Camaïeu”, autre marque détenue par le sulfureux homme d'affaires bordelais. « Au regard du critère de la pérennité, l'offre d'Intersport France est plus sécurisante, » note le jugement du tribunal, rendu vendredi en délibéré après de longues semaines de suspense.
Le tribunal a suivi « l'avis unanime du parquet, des créanciers et des salariés, » souligne le procureur adjoint François Touret de Coucy dans un communiqué. Intersport s'engage à reprendre “72 magasins correspondant à 90% des emplois”, pour un prix de 35 millions d'euros, contre 10 millions proposés par son rival, le groupe britannique Frasers, qui exploite l'enseigne Sports Direct, selon ce communiqué.
« C’est beaucoup d’émotion que nous ressentons aujourd’hui devant la décision du tribunal de commerce, a déclaré Jacky Rihouet, président d'Intersport à Sport-Guide. (...) Notre plan de reprise a été bien perçu par les équipes de Go Sport. Cette décision est l’aboutissement d’un dossier construit dans le temps avec un vrai projet industriel. » Il a toutefois averti qu'il faudra « un effort collectif intense pour remettre le vaisseau droit », précisant « avoir besoin de quelques mois pour dérouler notre plan ».
L'Union Sport & Cycle reste “vigilant”
Dans une déclaration transmise à l'AFP, Frasers Group a pour sa part affirmé qu'il “regrette cette décision" du tribunal. “Le groupe a voulu être transparent sur les difficultés liées à la transformation de Go Sport et reste convaincu que son offre était réaliste et transparente pour toutes les parties prenantes”, a-t-il ajouté. De son côté, Christophe Lavalle, délégué Force ouvrière et membre du Comité social et économique (CSE) de Go Sport, se félicite « d'avoir échappé aux griffes d'un actionnaire incompétent et malfaisant, HPB (Hermione, People & Brands) », et de « pouvoir sauver 90% des emplois de Go Sport au profit d'une société française en plein développement ».
Deuxième acteur français de la distribution d'articles de sports, Intersport est une “coopérative centenaire de près de 300 entrepreneurs français, exploitant plus de 800 magasins spécialisés” et “employant près de 18.000 personnes”, selon le parquet. Elle a présenté son offre en coentreprise avec une société qatarie, Al-Mana, selon le dossier consulté par l'AFP au greffe du tribunal de commerce.
De son côté, le ministre de l'Industrie Roland Lescure a salué une “bonne nouvelle” et promis que la priorité serait “d'accompagner les salariés qui ne seront pas repris”. Même satisfaction à l'Union Sport & Cycle. « Nous nous félicitons de voir la majorité des emplois et des points de vente de Go Sport pérennisés, » commente Virgile Caillet Délégué générale du syndicat professionnel qui précise aussi rester “vigilant quant à l’accompagnement des anciens employés de Go Sport non concernés par la reprise d’Intersport vers les autres enseignes de distribution d’articles de sport, de cycles et d’équipements de loisirs adhérentes de l’USC”.
Go Sport, en redressement judiciaire depuis janvier, compte quelque 2 150 emplois et Intersport a proposé d'en garder 1 631 (1 446 sur les 1 574 en magasins et 185 au siège), selon le dossier. Les offres d'Intersport France et de Frasers étaient apparues dès le début comme les mieux placées. Le représentant de Fraser-Sports Direct avait plusieurs fois indiqué lors de l'audience du 18 avril “d'une part qu'il ne pouvait apporter aucune garantie sur le maintien de l'emploi dans les 2 ans, et d'autre part que la marque Go Sport n'avait aucun avenir”, peut-on lire dans le jugement.
La marque Go Sport vers l'outdoor
La marque Go Sport ne disparaitra pas, rapporte Sport-Guide. « Une cinquantaine de magasins Go Sport vont passer Intersport en 2024, a précisé le président d'Intersport au média spécialisé. Nous aurons un focus particulier sur trois magasins de Paris intra-muros à savoir ceux de situés place de la République, aux Halles et à la Défense, en cette future année olympique ». L'enseigne Go Sport devrait glisser vers un univers outdoor. Ce concept sera testé dans trois magasins. Il pourrait être décliné ensuite « avec un objectif de 70 à 75 magasins (...) sur des surfaces de 700 à 1 200 mètres carrés, ». a avancé Jacky Rihouet.
L'enseigne va ainsi quitter le giron de Michel Ohayon, lui-même en pleine tourmente financière et judiciaire. Sa société Hermione, People & Brands (HPB), qui avait acquis le distributeur d'articles sportifs en 2021 pour un euro symbolique, entendait initialement présenter un plan de redressement mais y avait finalement renoncé “avec regret” le 17 avril dernier, faute de partenaire. Le groupe a déclaré vendredi se réjouir d'une “issue favorable pour l'avenir de Go Sport et de ses salariés”, tout en regrettant “de ne pas avoir été en mesure de présenter (son) plan de redressement en raison de l'obstruction de la procédure”.
La galaxie Ohayon, qui compte ou comptait La Grande Récré, Gap, Go Sport ou Cambiaux, fait en outre l'objet d'une enquête judiciaire au parquet de Paris pour “escroquerie en bande organisée, blanchiment habituel, banqueroute et abus de bien social”, après “plusieurs révélations de faits délictueux” signalés par les commissaires aux comptes de Go Sport. Cet “empire” de la distribution apparaît aujourd'hui en pleine tourmente.