Le lancement de l’Observatoire du naming Sporsora-CDES en octobre 2017 avait été l’occasion de dresser un état des lieux de cette pratique commerciale. Longtemps resté frileux sur le sujet, ce temps d’échanges entre annonceurs, détenteurs de droits et médias avait permis de souligner que le marché français s’était assez largement développé au cours de la période 2015-2017 surfant notamment sur les perspectives ouvertes par l’accueil de l’Euro 2016 dont le modèle économique des enceintes construites ou rénovées intégrait la manne du naming.
Cet engouement nouveau ne s’est pas démenti au cours de la saison 2017/2018 avec la signature de plusieurs nouveaux contrats de naming ou des opérations de renaming, mais aussi quelques associations de marque déjà impliquées dans des opérations de parrainage. Petite revue des nouveautés.
6 nouveaux contrats de naming
Ce ne sont ni plus ni moins que 6 nouveaux contrats de naming qui ont été signés au cours de la saison 2017/2018 en France. Signe que le marché évolue vite, ils ont concerné à la fois des salles, des compétitions et des clubs.
C’est tout d’abord la conclusion de l’accord entre le groupe Fiat Chrysler Automobiles et la Ligue Nationale de Basket qui a donné naissance à la Jeep® Elite en lieu et place de la PRO A. L’instance présidée par Alain Béral n’avait pas caché être en recherche d’un annonceur pour le naming de sa compétition phare. Cet accord est entré en vigueur au milieur de saison dernière (avant le lancement de la phase retour). Il s’est accompagné de la création d’une nouvelle identité globale pour l’élite du basket français, l’objectif de rompre avec l’ancienne dénomination étant très certainement de maximiser le taux de reprise par les parties prenantes et notamment la sphère médiatique. Ce naming semble avoir été plutôt bien accepté par les parties prenantes internes, au premier rang desquels les clubs, très certainement sous l’effet du travail de sensibilisation mené par les équipes de la LNB. Ce contrat a été signé pour une durée de trois saisons et demi (soit jusqu’à l’issue de la saison 2020/2021). Le montant n’a pas été communiqué de façon officielle par les deux parties. On évoque une somme de 1,3 millions d’euros par saison.
C’est ensuite la U Arena, salle multifonctionnelle de l’Ouest Parisien qui s’est transformée en Paris La Défense Arena. Cette opération de naming « institutionnel » (qui présente par cet aspect des similitudes avec la Sud de France Arena de Montpellier) semble particulièrement intéressante et innovante. Elle s’inscrit en effet dans le cadre d’une opération de marketing territorial de la part de Paris La Défense qui souhaite moderniser et dynamiser son image afin de profiter du Brexit pour développer son attractivité internationale. Du côté de l’enceinte, cela apparaît également comme un bon coup puisque bien que située sur le territoire administratif de Nanterre, elle intègre à son nom l’appellation « Paris », ce qui pourrait lui permettre de bénéficier de l’aura de la capitale française au moment de conclure la venue d’artistes internationaux. Sur le plan chiffré, le contrat a été signé pour une durée de 10 ans moyennant le versement de 3 millions d’euros annuels par l’établissement public. Un montant « raisonnable » comparativement à ce que verse par exemple O² pour le naming de l’Arena de Londres (8 M€).
Pas encore sortie de terre, la future salle du club de basket de la SIG Strasbourg fera également l’objet d’une opération de naming. Elle portera le nom de Crédit Mutuel Forum. Signé pour une durée de 15 ans, cet accord prévoirait le versement de 500 000 euros annuels par le groupe de banque-assurance. Cette manne permettra de boucler une partie du financement de la future enceinte du club présidé par Martial Bellon dont le coût est estimé à 40 M€ et les travaux devraient débuter en début d’année prochaine. Pour le Crédit Mutuel, cette opération s’inscrit par ailleurs dans un programme plus vaste d’aménagement immobilier, le groupe entendant construire 2 immeubles à proximité de la future enceinte.
Ayant fait l’objet d’une actualité mouvementée la saison dernière, le stade de la Licorne à Amiens a également changé de dénomination. Partenaire de longue date du SC Amiens qui occupe les lieux, la caisse régionale du Crédit Agricole Brie Picardie a en effet conclu un contrat de 3 ans qui lui offrira à la fois le naming de l’enceinte et une visibilité renforcée au sein de celle-ci. Après l’Allianz Riviera (Nice), le Matmut Atlantique (Bordeaux), le Groupama Stadium (Lyon) et l’Orange Vélodrome (Marseille), le Stade Crédit Agricole la Licorne devient donc la 5e enceinte de Ligue 1 Conforama à bénéficier d’un namer.
Enfin signalons également deux accords de naming conclus tout récemment. Tout d’abord l’ASVEL, club de Jeep® Elite présidé par Tony Parker, a également annoncé la conclusion d’un accord de naming avec le groupe LDCL. Il s’agit ici d’un retour sur le terrain du naming pour le club villeurbannais qui s’y était déjà essayé il y a quelques années avec le groupe de travail intérimaire Adecco. Il s’agirait, d’après les dirigeants du club, du plus gros contrat de naming jamais signé dans le basket français. Signé pour une durée de 10 ans, le montant n’a là aussi pas été communiqué. Des sources médiatiques font état d’un montant évolutif au fil du temps et qui pourrait atteindre 8 à 9% du budget global du club. En devenant la LDCL-ASVEL, le club souhaite asseoir son modèle économique et se donner les chances d’intégrer (puis de briller) l’Euroleague. Outre le changement d’appellation, cette association s’accompagne d’un grand nombre d’évolutions parmi lesquelles la refonte du logo du club et le changement de couleurs des tuniques (le noir remplaçant le vert historique du club)… Autant de transformations qui semblent pour l’heure avoir un peu de mal à être acceptées par les fans locaux…
Enfin la Ligue de Football Professionnel a annoncé avoir conclu un accord portant sur 6 saisons (2018-2024) avec le fabricant de pneumatiques indien BKT pour le naming de la Coupe de la Ligue. Cette dernière devient donc la Coupe de la Ligue BKT. D’après les sources journalistiques, cet accord devrait rapporter aux alentours de 3 M€ par an à l’instance présidée par Nathalie Boy de la Tour. Cela constitue surtout un pas de plus dans le développement du football français à l’international.
2 opérations de renaming
Peu ouvert au naming, le marché français s’ouvre pourtant également progressivement aux opérations de renaming. Deux opérations ont ainsi eu lieu récemment.
Au rayon des naming de compétitions sportives, la Fédération Française de Hockey-sur-Glace, qui gère le championnat professionnel, a annoncé en juin dernier que cette dernière s’appellera désormais Synerglace Ligue Magnus à partir de la saison 2018/2019. Exit donc Saxoprint qui avait accolé son nom à l’élite du hockey français depuis 2016 contre 200 000 euros annuels et dont le contrat courait pourtant jusqu’en 2020. Particulièrement implanté dans le domaine des patinoires, ce naming apparaît faire sens pour Synerglace qui a indiqué vouloir ainsi renforcer sa position sur le marché français.
Côté stades, c’est à nouveau Montpellier qui s’est distinguée par une nouvelle opération de renaming, quelques mois après le changement d’appellation de la Sud de France Arena. L’ancien stade Yves-du-Manoir, propriété de Montpellier Métropole et devenu Altrad Stadium en 2014 (du nom du propriétaire et actionnaire majoritaire du Montpellier Hérault Rugby), s’appellera désormais GGL Stadium. Entré en vigueur au 1er juillet dernier, ce contrat a été signé pour une durée de 3 saisons et comprendrait le versement d’un montant de 480 000 euros annuels de la part du groupe spécialisé dans l’aménagement foncier et l’immobilier.
1 association originale : Groupama FDJ
Enfin, et bien qu’il ne s’agisse finalement pas d’une opération véritablement nouvelle dans le sens où chacun était déjà impliqué dans le naming, une opération originale nous semble trouver sa place dans cet article : l’association entre Groupama et FDJ qui a donné naissance à l’équipe cycliste Goupama-FDJ. Annoncée en fin d’année 2017 et entrée en vigueur pour la saison en cours, cette opération a permis de faire bondir le budget de l’équipe de 30%, ce qui est de nature à la rendre plus compétitive, et semble intéressante pour les deux annonceurs : Groupama dont le nom a été placé en premier dans l’appellation de l’équipe ; la FDJ qui reste très fortement identifiée par la charte des tuniques… mais aussi par la présence de Marc Madiot, manager historique de l’ex-équipe FDJ, a la tête de la nouvelle entité.
L’année a donc été particulièrement riche en nouvelles opérations de naming en France. Il faut très certainement y voir le signe d’une plus grande ouverture du marché français et d’une acceptation sociale de ce type d’opérations de parrainage en voie de développement. Signe que les temps changent et que les mentalités évoluent, la reprise des appellations commerciales des stades et arénas (celle des équipes posait moins problème) par la sphère médiatique semble bien plus importante qu’il y a un an. Cela constitue une excellente nouvelle pour les acteurs de l’économie du sport professionnel, la reprise par les médias étant un sujet particulièrement sensible. Le travail de sensibilisation et d’accompagnement mené par les institutions sportives et les annonceurs auprès des médias semble avoir porté ses fruits. Autant d’éléments qui seront d’ailleurs débattus à l’occasion de la prochaine réunion de l’Observatoire du Naming Sporsora-CDES qui se déroulera le 12 octobre prochain au Lagardère Paris Racing.
Christophe Lepetit, Responsable des Etudes Economiques, CDES